jeudi 13 décembre 2012

Vendredi 21H00


« - Ha ! Tu te réveilles enfin.
- Bonjour aussi. »

Je m'étire autant que faire se peut. L'habitacle de notre cadillac y est peu propice une fois la capote baissée.
Nonalf : Es tu disposé à prendre le volant ?
Moi : Cela implique que tu me dises ou nous nous rendons.
Nonalf : Détail.
Moi : Ben voyons. Et la nana sur le siège arrière c'est un détail aussi ?
Nonalf : Tu réfléchis trop, comme toujours.

En effet, alors que je finissais de me sortir la tête de la brume, je fis le constat suivant :

Il y a
une jeune femme
allongée
à l'arrière

Soudain, le doute me saisit tel une main glacée qui cherche à se réchauffer entre vos cuisses malgré la couette en plumes.

Moi : Est elle ?
Nonalf : Vaginale. Désolé pour toi.
Moi : NON ! Est-elle vivante ?
Nonalf : Je t'assure qu'elle est vaginale et vivante.
Elle : J'ai faim.
Moi : On va la garder avec nous ?
Nonalf : Non, grands dieux, nous avons d'autres chattes à fouetter.
Moi : Chats.
Nonalf : Plait-il ?
Elle : J'ai faim.
Moi : On dit « d'autres chats à fouetter ».
Nonalf : Ha alors écoute si tu as changé de sexualité dans la nuit, préviens moi avant, que je me prépare au choc.
Moi : Ce n'est pas ce que je voulais dire. Tu commences à me les briser alors que j'en ai besoin.
Nonalf : Ha ça y est, monsieur retrouve une sexualité et fini la rigolade.
Elle : J'ai faim.
Moi : Par les saintes culottes de MacIntosh ! Arrête de tout ramener à la sexualité. Tu en as eu plus que ton compte la nuit dernière et tu en ramènes avec nous.
Nonalf : Oui ben je ne gache pas les bonnes choses moi mossieur !
Moi : C'est toi qui le dit.
Nonalf : Tu dis ça parce que tu ne l'as pas vue toute nue.
Elle : J'AI FAIM !!!
Nonalf et moi : MANGE UN VAGIN !!!!

Nous nous tuons.
(NDA : au sens figuré, ce texte ne s'arrête pas là)

Nonalf : Bravo tu as réveillé la belle à la banquette dormante.
Moi : Bien sur, c'est ma faute. Rassure moi, elle est venue de son plein gré ? Ou tu laisses la radio éteinte pour que je n'entende pas l'alerte enlèvement ?
Nonalf : Ma parole, tu es aussi chiant avec sommeil que sans.
Elle : J'ai faim, bande de putains.
Nonalf : Suce ma bite.
Moi : Tu sais quoi ? Il est 21h passé, j'ai faim moi aussi.
Nonalf : Faudrait savoir, t'as changé de sexualité ou pas ?
Moi : Non, je suis toujours végétarien. Il y'a une zone commerciale pas loin. Prends la prochaine sortie et trouvons nous un établissement de restauration.
Nonalf : ?
Moi : Ne loupe pas la sortie.
Nonalf : Ha ça y est, j'ai compris., végétarien, gazon, vagin tout ça...

Nous rigolons ensemble. Je jette un coup d'oeil dans le miroir intégré au pare-soleil.
La jeune femme à l'arrière commence à se demander ce qu'elle fait, coincée avec deux inconnus dans une voiture surement volée.
Au bout de quelques minutes, nous quittons l'autoroute pour arriver dans la zone repérée précedemment. Notre choix se porte sur un Sitting Bull©.
Une fois hors de la voiture, j'entreprends de m'étirer un bon coup (le dos) pendant que Nonalf s'étire un bon coup (je vous fais pas un dessin) en urinant sur le 4x4 garé adjacentement à nous.
Je détaille notre accompagnatrice. Brune, cheveux bruns lisses et longs. Un micro-short en jean et un top rose ouvert dans le dos complète sa garde robe.
Entre elle et Nonalf, qui de la fille ou du gros avec le slip de bain et la chemise à fleurs roses, est la pute ?
C'est la question que doit se poser l'assemblée de clients lorsque nous pénétrons dans l'etablissement de restauration.
A peine installé sous un tipi, en plastique, nous commandons un ensemble de 3 pintes de bières américaines ainsi qu'un menu père pelerin qui consiste en une dinde de plusieurs kilos fourrée de purée native américaine. (Non, ça ne fait ton sur ton avec la dinde)

Nonalf : J'ai rien dis.
Moi : Ha, il me semblait.
Nonalf : En plus d'être plus tout seul dans ton lit, t'es plus tout seul dans ta tête ?
Elle : Je n'ai plus faim.
Nonalf : Suce ton os. Alors, j'en déduis que ça s'est bien passé vu ce que tu as dormi.
Moi : Je préfère laisser ça dans la chambre ou ça s'est passée.
Nonalf : Vous allez vous revoir ?
Moi : Qui sait ?
Nonalf : Ben elle et toi. Qui d'autre ?
Elle : ça risque pas.
Moi : j'en sais trop rien. J'ai laissé mon numéro et mon adresse sur un morceau de papier dans son sac.
Nonalf : Et elle ? A part un parasol en papier elle t'a laissé quoi ? J'espère pas une MST sinon je te laisse sur le bas-côté.
Moi : Elle a juste écrit sur le miroir avec du rouge à lèvres.
Nonalf : So cliché.
Moi : Elle a écrit « S'il te plait pense à moi. »
Nonalf : Vœu pieu.
Elle : Elle est fiancée.
Moi : Voeu pieu, c'est toi qui le dit cher ami.
Nonalf : Teuteuteu. D'ici deux semaines, tu auras oublié jusqu'à son prénom.
Moi : Je disais la même chose de toi, et ça fait presque deux semaines que nous sommes sur la route.
Nonalf : La route est longue et le péage coute cher.
Moi : ça ne prouve rien. Tu débites des âneries toutes faites que tu ne t'appliques pas à toi même.
Nonalf : Ben oui, ce sont des âneries, donc je ne les applique pas.
Moi : Dis le mec qui a passé la nuit avec trois nanas.
Nonalf : Ben voui. Tu n'analyses donc rien. Pas de prises de risque émotionnels comme celles dont tu es coutumier.
Moi : Sans parler des risques de MST.
Nonalf : C'est toi qui l'a dit.
Elle : Elle se marie dans une semaine.
Moi : Et si je prenais la voiture et que je te laissais là ?
Nonalf : Tu prouveras juste que tu es un triste sire.
Moi : Comment je fais avancer mon blogue pendant que nous écumons les routes de France sans but ?
Nonalf : Je ne te permets pas de remettre en cause ma noble quête ! Nous irons ensemble voir ma promise qui est si belle et si douce et si
Moi : Conne ?
Nonalf : Malandrin ! Je m'en vais te molester avec ma pinte !
Moi : Essaye donc ! Mon 357 magnum rêve d'avoir une conversation avec toi.
Nonalf : Tricheur !
Moi : Menteuse !
Elle : Non, non...
Nonalf et moi : Quoi non non ?
Elle : Elizabeth se marie la semaine prochaine.
Moi : Mais l'enterrement de vie de jeune fille hier soir ?
Elle : C'était le sien, justement.
Moi : …
Nonalf : Elle est bien bonne celle là.
Moi : Je ne te permets pas.
Nonalf : Je parlais de la serveuse. Mamoizelle ! La même chose, mon ami en a besoin.



Nous sortons. Je m'allume une cigarette. Nonalf replie la capote de la voiture. J'essaye de ne pas penser. J'ai néanmoins la désagréable impression d'avoir été un chasseur de bébés phoques dans une autre vie et que je le paye maintenant.

Nonalf : La vie est courte. La route aussi. Monte.
Moi : Je te préviens, je vais dormir.
Nonalf : Tant que tu ne pleures pas...

Nous montons en voiture. Nonalf démarre, sort du parking, puis reprend l'autoroute direction...

Nonalf : ça te dérange si je mets un petit cd ?
Moi : Tant que tu ne le mets pas dans ma gueule.
Nonalf : Je t'annonce que nous nous arrêterons à la prochaine ville. J'ai besoin d'un somme et d'une douche.
Moi : …
Nonalf : Et d'un bol à soupe rempli de cocaine.
Moi : …
Nonalf : Et d'une bonne pute blonde est-européenne.
Moi : …
Nonalf : Et d'une bonne tronçonneuse, c'est coriace les os de pute...
Moi : Au fait...
Nonalf : Ha quand même, tu réagis. Je croyais t'avoir perdu dans l'abîme insondable du désespoir.
Moi : Elle est ou la fille qui nous accompagnait ?

mardi 11 septembre 2012

La tristesse de l'été

Nonalf : Tu dors ?
Moi : Non, trop chaud.
Nonalf : Il reste de la bière ?
Moi : Non, trop chaud.

Le ralentissement de la voiture m'indique que nous avons quitté l'autoroute.
La chaleur de la nuit est incompréhensible, même capote baissé, impossible pour mon compère conducteur et moi même de trouver de l'air frais.

Nonalf : Tu commences à me les briser avec ta dépression issue de la défloration de ton casaniérisme.
Moi : C'est un mot ça ?
Nonalf : Tu m'as compris, alors maintenant fais moi le plaisir de te taire jusqu’à ce que arrivions au mhotel.

A peine 5 minutes se sont écoulées depuis le voeu de silence qui m'a été intimé, que nous arrivons sur le parking... d'un mhotel donc. Il s'agit d'un bâtiment long, qui semble bien pourvu en chambres, coiffé de chaume.

Moi : Pourquoi on s'arrête ?
Nonalf : On va faire d'une pierre deux couilles pour que tu arrêtes de me les briser.
Moi : Je te préviens je fais chambre à part.
Nonalf : Ftaghn ! Lorsque tu n'as pas assez dormi, tu es de mauvaise humeur et lorsque tu es de mauvaise humeur tu es la plus désagréable des compagnies.
Moi : Et tu vas faire quoi ? m'échanger contre la septième ?
Nonalf : Non, tu vas aller dans une chambre climatisée, avec une bouteille de Gin et tu vas dormir jusqu'à ce que tu sois redevenu normal.
Moi : La normalité n'est qu'un point de vue.

Nonalf ouvre le coffre, puis une valise qu'il vient d'en sortir.
Nonalf : Fais toi propre ! nous avons besoin de chambres, pas que l'on nous lâche les chiens.

Mon camarade enfile alors une chemise étonnamment blanche, à col Mao, ce qui lui donne l'allure d'un missionnaire du sexe sur le point de débuter une croisade en terre croate.
Pas le temps d'objecter, mon camarade me jette les clés de notre bolide et file vers l'entrée de l'établissement.
Je m'assois contre le pare-choc, et entreprend de me rouler une cigarette.
La température n'a toujours pas baissé malgré l'averse orageuse que nous avons essuyé à l'épisode précédent (à lire ici). Je la fais quand même monter en allumant mon cylindre de papier.

Je regarde les étoiles. Le sentiment d'être tout seul se retrouve doublé par celui de n'être rien au beau milieu de l'univers. Si un concept intelligent joue au billard avec les planètes, la numéro 8 pourrait m'arriver en pleine gueule là, de suite, que ça m'en déplacerait à peine une au fond du calcif.

Sur cette pensée poétique, je décide quand même de troquer mon t-shirt boba-fett-entrer-laccusé contre une chemise noire et une veste de la même couleur.
Le long du parcours vers l'entrée, j'observe les voitures stationnées.
Alors que je m'attendais à voir des monospace familiaux, ce sont en majorité des voitures de petites cylindrées qui peuplent le parking.

Alors que j'arrive au comptoir de l'accueil, je me rends compte en jetant un oeil par une porte attenant que la salle de restaurant est très animée cette nuit. Une dame blonde d'un fort beau gabarit passe la tête par un rideau derrière le comptoir.
"Kessessé ?" me crache l'opulente.
"Bonsoir madame", attaque-je, "mon compagnon de voyage et moi même souhaiterions des chambres s'il vous en reste".
"Ha ouais nono à ta clé. T'occupe de rien, y'a tout ce qui faut dans la piaule. Je suis trop occupé à nettoyer les cochonneries de cet enterrement de vie de jeune fille. Sers toi et je viendrai te faire chier avec la note quand j'aurai le temps."

Plusieurs informations s'entrecroisent alors dans mon esprit.
1- Nonalf à la clé de ma chambre. Premier gros danger. Pas la peine que je vous fasse un dessin.
2- Enterrement de vie de. Deuxième danger : Se retrouver au milieu d'un groupe d'êtres humains fortement alcoolisés.
3- Jeune fille. Foutredieu... pourvu que mon comparse ne décide pas de transformer en terrine aux cèpes la première qui lui dira qu'elle kiffe trop la dubstep.

Je passe alors dans la salle, ou plutôt le champ de bataille, qui accueille la soirée.
J'avise mon comparse en train de discuter avec trois jeunes femmes à une table toute proche.
Je décide d'éviter d'aller au feu tout de suite et choisit une place derrière la ligne de repli au comptoir du bar. Même pas le temps de claquer des doigts que le camarade barman me pose sous le nez un gin-coca-glace-rondelledecitron-parasolenpapier.
Mon comparse a briefé le barman. Ce qui veut dire que non seulement il a déjà prit ses marques, mais qu'en plus on va s'en tirer avec une douloureuse qui ferait lever un sourcil à Donald Trump himself.

Alors que je commence à siroter mon breuvage anglais, je comprends qu'un karaoké vient de se lancer de l'autre côté de la salle. Le destin semble cruel cette nuit...
Alors que mon compère de voyage entame "Eyes of the tiger", et là sans prévenir, sans faire de bruit, sans même l'ombre d'un avis de tempête IMPOSSIBLE FACT HAPPENING : Une jeune femme vient s'asseoir à côté de moi.

Plus grande que la moyenne; talon haut rouge laqué; blue-jean levi's classic; chemisier blanc semi-transparent; haut de maillot de bain "stars and stripes" en guise de soutien gorge; cheveux longs en dessous des épaules couleur auburn; yeux verts; dents trop blanche.
IMPOSSIBLE FACT NUMBER TWO : Elle me regarde.
IMPOSSIBLE FACT NUMBER THREE : "Bonsoir, est ce que vous auriez du feu s'il vous plait ?"

ça, c'est moi qui vient de le dire.

Bordel qu'est ce qui vient de se passer ? Rien que cinq secondes et je viens déjà d'adresser une phrase, polie certes, à cette personne que je ne connais ni d'eve (puisque c'est une femme) et qui est totalement hors contexte, puis que je n'ai pas le matériel pour faire cette demande, que j'amorce une phase de picolage à haute altitude, que je veux rester tranquille, et que la perspective de me coller une balle dans le crane avec mon flingue est plutôt pas mal pour laver dans le sang l'incongruité de ce que je viens de dire.

Alors un petit message perso pour mes amies anti-oreilles de mickey, le ridicule ne tue pas. Mais maintenant je sais qu'il donne envie.

Elle : Vous venez de me piquer ma réplique.
Moi : Pastèque
Elle : Non merci, j'ai déjà eu de la salade de fruit.
Moi : Non confuse appellation glouglou
Elle : Je vous demande pardon ?

Je vide en un trait mon récipient d'alcool. Parasol en papier non inclus pour les besoins de ma propre survie.

Elle : Est ce que vous venez d'avaler une demie rondelle de citron sans mâcher ?
Moi : Je disais donc : "excusez moi, vous pouvez m'appeler Pastèque car cela est mon nom, mais laissez moi finir mon verre."
Elle : Daccord. Vous pouvez m'appeler Elizabeth.

Ho merde, si elle est consentante, je ne sais pas comment je vais m'en sortir...

Moi : Vous êtes avec le groupe de la future mariée ?
Elizabeth : Oui, mais ça ne va pas durer.
Moi : Vous partez ?
Elizabeth : Non, je parle du mariage, votre copain est déjà en train d'embrasser la "future mariée" dans le cou...
Moi : Elle devait avoir un morceau de salade de fruit dans le col.
Elizabeth : Mais certainement pas dans la culotte, pourtant votre ami y a déjà la main.
Moi : ... Il ne laisse rien au hasard ...

En l’occurrence, le "hasard" est déjà allongé sur une table en train de subir un examen corporel minutieux de la part de mon compère.

Moi : Il aime son métier...
Elizabeth : Je vois ça... et vous ?
Moi : Quoi ?
Elizabeth : Vous aimez votre métier ?
Moi : Ça dépend des jours... et de la tâche.
Elizabeth : Vous faite quel job ?
Mon Fort intérieur : Ne réponds pas : "tueur à gages lettré casanier"
Moi : Tueur à gages musicologue international.
Mon Faible intérieur : Connard.

Ce coup-ci, je claque des doigts pour faire apparaître un nouveau verre de gin, que je vide à peu près aussi vite que le premier.

Elizabeth : Pas étonnant qu'avec un boulot comme ça vous ayez l'air aussi triste.
Moi : J'ai ?
Elizabeth : Oui, vous avez l'air triste. Vous êtes obsédé par la mort, vous vous habillez en noir, alors excusez moi, mais quelqu'un doit vous le dire : ça se voit que vous n'allez pas bien.
Moi : Nan mais c'était pour déconner, la personne que je tue le plus c'est moi dans mes rêves.
Elizabeth : Ça ne change rien à ce que je viens de vous dire.

Je sors mon briquet pour qu'elle puisse satisfaire son besoin de cancer.
J'en profite pour entretenir le mien.
Claquement de doigt. Plein refait au niveau du Gin. Parasol neuf rose à pois vert en prime.

Elizabeth : Et vous êtes triste comme ça depuis longtemps ?
Moi : J'ai arrêté de compter les années après la première.
Elizabeth : Et que vous êtes tout seul ?
Moi : J'ai arrêté de compter les années après la première.
Elizabeth : Et que vous avez pas baisé ?
Moi : J'ai arrêté de compter après... Attendez, quoi ?

Elle me regarde, elle sourit. Sa cigarette a moitié consommée se retrouve alors noyée dans mon verre.
Elle me prend dans ses bras. Je sens le sel de la mer dans son cou.

Elizabeth : Le sel n'a pas d'odeur.
Moi : Ha ?
Elizabeth : C'est ce que j'ai toujours pensé.
Moi : Ha ?
Elizabeth : Comme j'ai toujours pensé que la vie n'est qu'un mauvais moment à passer.
Moi : Le sel a une odeur.
Elizabeth : Nous sommes pareil toi et moi. Nous n'arrivons pas à vivre dans ce monde. On a beau essayer d'admirer la beauté de ce que la société essaye de nous offrir, tout ce que nous arrivons à voir est le blanc de la toile sous les couches de peinture.
Moi : Ou le blanc de l'assiette sous les frites salées.
Elizabeth : Ils essayent de nous nourrir avec leur production musicale, cinématographique artistique... Mais toi et moi on ne voit que le néant de la toile. Ils déversent "ça", leur soi disante culture, comme ils feraient vomir de la gouache de tubes de peintures pour qu'on continue à regarder un tableau aussi vide que toi et moi.
Moi : Les frites c'est pas bon quand y'a trop de sel.
Elizabeth : C'est ça qui fait vraiment chier. On continue à avaler tout ça pour survivre, mais ça nous rend de plus en plus triste... parceque nous savons que ça ne sert à rien.
Moi : Mon record personnel  c'est deux assiettes complètes de frites au buffet de la gare.
Elizabeth : Tu m'écoutes ou tu as faim ?
Moi : J'aime bien les frites.
Elizabeth : Embrasse moi.

Ma tête se retrouve entre ses mains. Mes yeux dans les siens. Son nez contre le mien. Son souffle contre ma bouche... La main de Nonalf sur son épaule.

Nonalf : Toutes mes confuses, mais si je puis me faire mettre, je pense que vous allez avoir besoin de la clé de la chambre de monsieur.
Moi : Va te faire mettre.
Future mariée : C'est mon rôle !
Elizabeth : Parfait.
Nonalf : Tout le plaisir est pour moi.
Future mariée : Patience...

Elle se lève, moi aussi.
M'embrasse sans prévenir, moi aussi.
Je mets le parasol rose à pois vert entre son oreille et ses cheveux.
Elle me prend par une main, la clé de ma chambre dans l'autre.

Porte. Nouveau baiser. Long. Profond. Je dévérouille la porte pendant qu'elle déboutonne ma chemise.
Lit. Elle dessus moi dessous.
Pas de clim. Moi tout nu, elle... en dessous.

Elizabeth : Attends... il faut qu'on se protège.
Moi : Ou veux tu trouver un armurier ouvert à cette heure ci ?



mercredi 5 septembre 2012

Drifting

Cela fait plusieurs heures que nous roulons.
Je suis allongé sur la banquette arrière de la voiture. La plante posé derrière la place du mort me chatouille avec ses feuilles.
Soudain, la musique s'arrête. Dans les cinq secondes qui suivent, un cd de Jeff Buckley m'atterit sur le crâne.
"Tu pourrais faire attention, y'en a qui essaye de dormir derrière." dis-je à l'adresse de mon camarade con ducteur.
Nonalf : "J'essaye de nous maintenir en vie sur cette route de tous les dangers si tu le permets.
Moi : Commence par rouler à la vitesse maximale autorisée et tu élimineras 90% des risques.
Nonalf : Et tant que j'y suis je pourrai aussi faire tourner les essuies-glace je suppose.

Je repasse en position assise.
Je ne sais toujours pas ou on va. Mais là, tout de suite, je m'en fous.
Je regarde la plante que nous avons déterré dans les jardins de la cathédrale.
Nonalf est concentré sur la route. Avec la pluie, on distingue à peine les phares des voitures venant à contresens.
Moi : Dis...
Nonalf : ...
Moi : Tu m'écoutes ?
Nonalf : Si tu insistes.
Moi : Est ce que ça t'arrive de penser à ce que les gens ressentiront quand tu seras mort ?

Nonalf me jette un regard circonspet qui ricoche dans le rétroviseur.
Il commence : "Pour quoi faire ? Je sais déja qu'ils me haissent.
Moi : Mais quand tu seras mort, ils ressentiront quelque chose ? ils seront soulagés, content peut être.
A l'inverse ceux qui t'aiment seront tristes, et peut être inconsolable.
Nonalf : Vous devriez boire une bière mon cher Pastèque.
Moi : Je suis sérieux...
Nonalf : C'est bien ce qui me fait peur.

Moi : ça t'arrive de penser à toi comme entité ?
Nonalf : Non.
Moi : De te dire que tu es un corps qui se meut, et qu'on appelle par un nom, et qui se trimballe au milieu d'autres tas de chair.
Nonalf : Non.
Moi : De te sentir complètement extérieur à toi même. Savoir ce que tu as fais. Pas fais. Ce qu'on a dit de toi, en bien ou en mal. Te dire que finalement on parle de ton corps mais pas de ton âme.
Nonalf : Non.
Moi : J'ai fais une faute de frappe. J'ai écris "coeur" au lieu de corps.
Nonalf : Putain mais de quoi est-ce que tu parles pauvre malade ? Je retire ce que j'ai dis tout à l'air, tu es suffisamment atteint, ne bois surtout pas.
Moi : C'est ce que je viens d'écrire j'ai fais un lapsus mais pas une faute, mais en le relisant ça avait l'air d'être une faute mais maintenant que j'y repense c'est un lapsus. Je ne sais s'il est bienvenue ou malvenu...
Nonalf : Arrête tout de suite de délirer ou je te balance sur le bord de la route, tu n'écris pas. Tu es en train de me parler.
Moi : Peut être... Mais qui est ce qui te parle ? Est-ce que c'est moi ? Mon corps ? Mon coeur ? Les deux ?

Nonalf se retourne pour me dévisager.

Nonalf : Ecoute tu me fais flipper là. C'est quoi le rapport entre la mort et ton corps ?
Moi : Je vais mourir. Je le sais. Je sais pas quand, ni comment, et je ne veux pas le savoir. Mais quel impact ça va avoir dans la vie des gens qui me connaissent ? qui me suivent ? qui m'aiment ?
Nonalf : ...
Moi : Est ce que ça va tout changer ? Est ce que ça ne va rien changer ? Est ce que ça va être le big-bang à l'échelle microscopique ou rien ?
Nonalf : La seule chose que je sais c'est que lorsque tu seras mort... tu ne seras plus en mesure de savoir ce qu'on pense de toi.
Moi : Je n'aurai jamais la réponse ?
Nonalf : Non.
Moi : Je ferai mieux de boire une bière et de profiter de la balade ?
Nonalf : Oui, s'il te plait. Et tais-toi.

Je décide alors d'attraper une bière.


mardi 24 juillet 2012

Conversation sur le Nil


Lui : Pourquoi moi ? Tu ne vas quand même pas me faire le coup de la figure paternelle...
Moi : J'ai ce qu'il faut de ce côté là. Tu fais office de figure littéraire.
Lui : Je ne sais pas si ça me plait.
Moi : De toute façon c'est moi qui choisit. Donc on va dire que ça te plait, et que tu joues le jeu.
Lui : C'est bien ce qu'il me semblait. Et on fait ça sur une page blanche ou tu plantes quand même un décor ?
Moi : Si tu insistes...
Lui : C'est toi qui insiste.
Moi : C'est vrai.

Extérieur nuit. Bateau à roue, voguant sur le Nil. Moi, accoudé le long du bastingage, cigarette, haut-de-forme et monocle. Lui, allongé sur une chaise longue, enveloppé dans un grand manteau noir, ses cheveux blonds lui tombent sur les épaules, il feuillette distraitement un livre. A moins qu'il ne m'écoute distraitement.

Lui : Malheureusement, je ne peux que t'écouter.
Moi : Ça te convient comme décor ?
Lui :  Ou es tu allé chercher ça ?
Moi : Un jour, tu m'as dis que tu voulais te la péter "Mort sur le Nil" et que tu avais assouvi ce fantasme lors d'un voyage en Egypte.
Lui : Peut être que oui, peut être que non. Tu ne t'en souviens plus.
Moi : Plus j'avance et moins je me souviens.
Lui : Sauf de ce qui fait mal.
Moi : Il n'y a que ce qui fait mal qui laisse des traces pour qu'on s'en souvienne.

Il se lève et vient me rejoindre.

Lui : Tu n'as toujours pas répondu à ma question. Pourquoi moi ?
Moi : Je t'aime bien. Et ça me fait plaisir de reparler de littérature avec toi.
Lui : On a déjà parlé littérature ?
Moi : Plusieurs fois. On parlait de Frederic Dard. 
Lui : J'aimais ça ?
Moi : Je crois bien.

Il regarde l'horizon. Quelques lumières indiquent la présence d'un village sur une berge proche de la rive.

Lui : ça t'inspire quelque chose ?
Moi : Non. Je crois plutôt que ça représente ce que je cherche.
Lui : Un village perdu sur les bords du Nil ?
Moi : J'ai peur qu'il n'en reste pas tant que ça. Non en fait j'essaye d'en faire une métaphore de l'inspiration...
Lui : hmm...
Moi : pour écrire...
Lui : hm..
Moi : des trucs...
Lui : h.

Moi : C'est nul.
Lui : Oui, certainement. Mais ce qui est bien c'est que tu t'en rends compte.
Moi : Ou c'est pathétique.

Il soupire. Je jette ma cigarette dans le fleuve, tel un touriste de bas étage.

Lui : Je crois que je sais ce que tu voulais dire à propos des lumières.
Moi : Ha ?
Lui : "There is a light that never goes out"
Moi : Peut-être.
Lui : Pas "peut-être". C'est sur. Repense à ce que tu as vécu ne serait-ce que ces six derniers mois. Tu as gagné beaucoup de chose.
Moi : Peut-être.
Lui : N'essaye pas de chercher le mieux. Contente toi de faire ce que tu fais.

Je ne sais pas quoi répondre, ça me semble loin. Comme le village.
Il retourne s'asseoir sur sa chaise longue. Il s'étire tel un vieux félin fatigué.

Lui : Si je peux te donner un dernier conseil, laisse toi porter. Comme le bateau sur le Nil.
Moi : Ça marche ?
Lui : Non, et y'a des écueils, mais tu n'as pas le choix.

mercredi 23 mai 2012

Puis, Donna et Robin moururent.

Gueule de bois. La tête a tourné trop souvent hier soir.
J'allume une cigarette, pour me donner le temps de contempler la salle une dernière fois.

Le parquet, usé par tant de danseurs.
"Papa ? c'est moi la plus jeune dans cette maison et c'est toi qui te couche au petit matin tous les samedis ? C'est quoi ce bordel ?"

La boule à facettes, qui a reflété nos sourires.
"Papa, c'est pas comme ça que tu te trouveras une gentille femme pour finir tes jours."

Le bar, ou l'on a trinqué tant de fois avec les copains. Trinqué à l'amitié, à l'amour, à la musique...
"Papa ? David et moi... on va habiter ensemble."

Les lumières. Toutes ces couleurs. Bleu... Jaune... Rouge...
"Franchement papa, tu devrais plutôt garder ton argent pour refaire la façade de la maison."

Les banquettes et les tabourets pourpres, sur lesquels on se bécotait...
"Non mais regarde toi papa. Qu'est ce que maman dirait si elle te voyait maintenant ?"

Mais ce matin, c'est fini.
La boule à facettes ne tournera plus.
Les jeux de lumière ne s'allumeront plus.
Les amis sont venus pour la dernière fois à ma soirée disco du samedi.
Je retire ma vieille perruque blonde, qui faisait rire si tendrement les femmes.
Tous les samedi soir, j'étais Tony, le meilleur danseur de disco de Cergy-Pontoise. 25 ans pour toujours.
Ce dimanche matin, je suis Antoine. 57 ans, ravagé par la clope, chauve, et père d'une fille à qui je fais honte.
Je me lève. J'ai rangé boule, lumière, platine, soigneusement dans des cartons. Mes bacs de vynils disco seront bientôt aux côtés de ma boule à facettes.

Aujourd'hui, Robin et Donna sont morts. Ma jeunesse aussi.

dimanche 13 mai 2012

Appel téléphonique ouvert à ...

Allo ?
Ha c'est encore ton répondeur...
Bon bah c'est pas grave, ce n'est que le 68546345873eme message que je te laisserai...
Non, efface pas tout de suite... faut que je te le dise... cette fois je suis prêt.
Tout d'abord, je m'excuse.
Je ne me réfugierai pas derrière l'excuse typique du "je ne suis qu'un homme", je sais qu'on te l'a déjà faite.
Mais oui, j'avoue que plusieurs fois je pensais à d'autres que toi... c'est sur qu'à force de répéter que je ne suis pas né à la bonne époque, qu'on n'aurait jamais dû se rencontrer, ça t'a forcément mis la puce à l'oreille.
D'ailleurs en parlant d'oreille, ça me manque ces après-midis qu'on passait tous les deux à écouter la radio. Y'avait des chansons rock-folk ou des demi-chevelus parlaient d'amour. Je te regardais, je savais que ce n'était pas ce que je voulais, mais malgré tout ça me plaisait. Les Daft Punk et Prodigy venait nous rentrer une bonne dose électro dans les oreilles, Blur nous faisait sauter jusqu'au plafond avec Song 2.
On était ado en pleine puissance. La fin du club Dorothée, au mois d’août a définitivement marqué une autre fin, celle de l'enfance, pour toi et moi. Fini le quart d'heure d'innocence quotidien.
Je me souviens t'avoir regardé en me demandant ce qu'on allait devenir, privé de ce point de repère, genre phare, qui brille au jour le jour...
Je voudrai m'excuser de ne pas t'avoir aimé à ta juste valeur malgré le mal que tu m'as fais.
J'étais loin de me douter que le pire était à venir. Quand je vois ce qui s'est passé juste après...
Ho je ne t'en blâme pas, je sais que c'est de la faute de l'autre salope là... comment elle s'appelle déja ? Ha oui, la Vie.
La Vie a bien prit son temps avant de péter les fondations de mon être après ton départ. Je considère que ta soeur a été une belle garce sur ce coup-là elle aussi.
Bon, j'arrête, on touche pas à la famille hein ?
Mais j'ai retenu la leçon depuis. Le pire est toujours à venir.

On dirait que l'enregistrement arrive bientôt à sa fin.
Alors je vais te le dire. Je sais que c'est inutile, mais voilà... Je veux que tu reviennes.
Tu me manques.
Alors si un jour tu ressens la même chose, penses-y, et reviens.
N'hésite pas. Tu me manques tellement 1997.
Tu resteras une de mes années préférées quoi qu'il arrive.
Au revoir.

jeudi 26 avril 2012

Dimanche en Europe


Dimanche en France.
La tête qui bourdonne. Le sentiment de dériver dès qu'on s'allonge.
Alors qu'on s'attendait à voir débarquer faucilles et marteaux, ce sont les bottes et les impers qui sont revenus.
Paul n'a pas bu ce soir. Mais il a quand même envie de vomir.
Amis, familles... Ce soir on se demande comment on va regarder en face ces gens là. Certes, ce n'est pas toi qui a mit le bulletin pour Marine. Dans ce cas pourquoi est ce qu'on se sent coupable ? Coupable d'être né dans un pays qui vote à 20% pour l'extrême droite et à 25% pour la droite a peine moins extrême. Ça fait mal physiquement de voir des amis se sentir rejetés par le pays dans lequel ils ont décidés de vivre.
Paul se demande comment au bord de l'extinction, la seule chose qui importe à son pays c'est de savoir si il va se faire enfoncer la rondelle par la droite ou par la gauche. Sauf que c'est la double pénétration qui l'attend.

Dimanche en Islande.
Lara allume sa cigarette puis vérifie l'heure sur son téléphone.
Ses escarpins résonnent sur les pavés des grandes rues de Reykjavik. 
Avant, Lara travaillait comme secrétaire dans une usine. Elle a perdu son travail au moment de la délocalisation de l'usine pour un pays plus au sud. Mais elle s'est dit que ça ne valait pas la peine d'apprendre le polonais pour être payé seulement un dixième de ce qu'elle gagne à la capitale. Puis elle a retrouvé un nouveau travail chez un éditeur. Après la nationalisation des banques, l'économie est repartie et elle a eu plus d'offres d'emplois en un mois qu'en un an. Comme beaucoup de ses compatriotes, elle attend le procès de l'un de ces banquiers qui a fait perdre leurs emplois a des centaines de milliers d'islandais.
Ce soir elle va rejoindre son petit ami, Bardi. Ils se voient peu en ce moment. Bardi fait partie de l'assemblée populaire qui a rédigé la nouvelle constitution. Depuis que le gouvernement de Grimmson leur a proposé de reprendre leur destin en main, le peuple a changé de gouvernement et de mode de fonctionnement politique.
La tâche semblait impossible, mais ils ont relevés le défi et ont aujourd'hui une ligne directrice claire.

Dimanche en France.
Ce soir, Paul pense à Lara et à ses compatriotes islandais.
A chaque grande manifestation qui accompagne chaque grande réforme, les médias français disent que le peuple tricolore à « ça dans le sang ». Il paraît que c'est depuis qu'ils ont décapités leurs rois, que leur sang s'est mélangé a celui du peuple, qu'ils en veulent encore et ne manque pas une occasion de le rappeler.
Ça fait sourire Paul. Les français seraient capable de décapiter les nobles qui les ont oppressés mais pas les banquiers ? Pourtant le roitelet qu'ils s'apprêtent à décapiter virtuellement a bien aidé les banquiers et spéculateurs de tous poils.
Il se dit que si Lara s'intéresse à ce qui se passe en Europe, elle doit bien se foutre de la gueule des français, ces moutons arrogants qui s'apprêtent à s'entredéchirer lors d'une guerre civilo-religieuse.

Dimanche en Islande
Bardi dort mieux depuis quelques mois. Il n'est pas nationaliste, mais il aime savoir que son pays va bien. Ses amis ont tous retrouvé du travail. Lorsqu'il discute avec ses collègues de l'assemblée populaire, ils se félicitent de la reprise de la croissance et que leur pays ait pu rembourser une partie de sa dette au FMI. Ce n'est qu'un tiers certes, mais si la conjoncture continue, le pays sera sur les rails d'ici deux ans.
Malgré tout, lorsqu'il s'endort à côté de Lara, Bardi a un frisson. Il pense à la Grêce, à l'Espagne et à la France. Ces pays qui ont été longtemps des modèles sont en train de devenir des enfers. Bardi aimerait bien fonder une famille avec Lara. Mais même si il est plein d'espoir concernant son propre pays, il ne peut pas s'empêcher de craindre que la gangrène qui empoisonne ses voisins européens ne les atteignent à l'avenir.   

samedi 14 avril 2012

Lettre ouverte à S.


Ha ! Nous y voilà.
Si il y'a bien quelqu'un qui mérite d'avoir sa propre lettre ouverte c'est bien toi ma chère.
J'avais déjà écris un petit texte l'an dernier ou je pensais à toi.

Ça fait combien de temps qu'on se connait toi et moi ? 4 ans ? Au moins.
Ça fait combien de temps qu'on ne s'est pas parlé ? 2 ans ? Au moins.
A vrai dire ça ne m'étonne pas.

C'est pas la première fois que j'ai eu ce genre d'expérience.
Certains ont été désastreuses. D'autres moins.
T'as fais parti des moins.

Je crois qu'on est d'accord pour dire que l'on s'est menti réciproquement.
Est ce que nous sommes quitte ?
Bien sur.

Mais il en a pas toujours été ainsi tu sais.
Parfois, le soir, lorsque je suis engoncé dans mon fauteuil en cuir, et que j'écoute du jazz en dégustant un vieux malt, je me demande ce qui se serait passé si tout avait été vrai.

Imagine qu'on ait brisé le cinquième mur.
Tu nous vois tous les deux, allongés sur le canapé, à piocher des chocolats dans une grande boite rectangulaire en revoyant un vieux film comique en noir et blanc ? Non, je te pose la question sérieusement là, tu nous imagines comme ça ?

Tu sais quoi ? Moi non plus.

J'allais dire que c'était « insensé ».
Mais au final, le sens, tout comme la normalité, n'est qu'un point de vue.
Peut être que pour la plupart des gens, c'est sensé de se mettre en couple et d'essayer de construire quelque chose, et ce quelque soit les limites qui peuvent exister.
Sauf que pour nous, c'est l'inverse. Pour nous, c'est insensé de réaliser ça. Parce que nous ne sommes pas fais pour.
Ce qui nous paraît sensé, c'est que chacun suive sa voie dans la direction qu'il souhaite.

Alors, Dosvidanya, ma chère. Bon vent. Puisse t'il te porter le plus loin et le plus surement sur la voie que tu as choisie. Et merci.
Cette fois, c'est bon.

Ta royale Pastèque.

dimanche 8 avril 2012

Correspondance


16h
Alors que j'allai me glisser dans mon bain nu, avec mes lunettes en titane, pour continuer ma lecture des derniers rapports sur la situation en Crimée, je fus interrompu par un pneumatique de mon ami Nonalf.
« Situation grave. Besoin d'aide. N. »
Grave.
En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, j'avais déjà chargé le coffre de ma cadillac avec de quoi parer à toute éventualité. Je vous laisse juge :
  • Deux pelles
  • Un sac de chaux
  • Deux masques de Pluto (le chien de Mickey)
  • Une bouteille de Gin (en provenance directe de Londres)
  • 10 mètres de corde 
  • La discographie d'AC/DC (dédicacé par l'auteur)

Voilà qui devrait faire l'affaire. Je fonce donc en direction de la villa de mon ami.
A peine descends-je de mon fier carrosse, que je note l'entrebâillement de la porte d'entrée.
Cela commence à sentir mauvais.

Une fois le pied posé au sein du bureau de mon compagnon, je l'avise dans un fauteuil, enroulé dans un vieux châle marron. Il me semble distinguer une grande tache rougeâtre sur la poitrine de sa chemise blanche...
Il a l'air paisible. Je sens mes yeux s'embrumer alors que je me rapproche de son corps qui a l'air si faible et si fragile pour vérifier si il reste encore un soupçon de vie...

« Alors te voilà enfin... Après tout ce temps... » l'entends-je murmurer.

Mon compagnon se relève alors, jette le châle qui le recouvrait, et entreprend de faire des piles avec les enveloppes posées sur son bureau.

Moi : Saint Tom Jones soit loué ! Tu es vivant !
Nonalf : Bien sur que je suis vivant. Qu'est ce que ton esprit fruitierement romanesque est allé s'imaginer ? Que j'avais rejoins le paradis des joueuses de violoncelles ?
Moi : Mais l'odeur...
Nonalf : La fosse sceptique. Ne t'en fais pas, je te prêterai un scaphandrier lorsque nous irons la déboucher.
Moi : Mais... cette tache sur ta chemise...
Nonalf : J'ai pratiqué l'art le plus noble de mes ancêtres selon leurs rites les plus tabous.
Moi : Tu as lu l'avenir dans les viscères d'une chèvre vierge sans les mains ?
Nonalf : NON ne te fais pas plus fruit que tu ne l'es déjà. J'ai tout simplement préparé une pizza avec un tube de concentré de tomate qui m'a explosé au visage pour me punir de l'hérésie que j'étais sur le point de commettre. Maintenant aide moi, attrape donc ça.

Mon acolyte cuistot me jette alors une pile d'enveloppes dans les mains.
Moi : Qu'est ce ?
Nonalf : Des truites.
Moi : Heu... je ne distingue pas d'écailles... tu es bien sur que ce ne sont pas des enveloppes ?
Nonalf : Bien sur que ce sont des enveloppes bougre de cucurbitacé ! Les truites sont dedans.
Moi : Je ne saisis toujours pas...

Il attrape alors une enveloppe et en sort un petit papier.
« Voici la truite »commence t-il à m'expliquer en m'agitant le morceau de papier bleu sous le nez « De par sa taille, on ne peut y écrire qu'un nombre limité de caractères. Ensuite je la jette dans le flot de la grande toile ou une araignée se chargera de l'apporter à ma belle. »

Moi : Une information à la fois. Donc c'est un court message que tu fais parvenir par voie araignélectronique. Mais pourquoi cela s'appelle une truite ?
Nonalf : ça vient du nom du service. Ça s'appelle truitter.
Moi : Quel nom incongru.
Nonalf : Il paraît que c'est une baleine qui a lancé ça. Ce genre d'animal ne vole jamais droit tu sais...
Moi : Et donc pourquoi as-tu besoin de toutes ces truites ?
Nonalf : A ton avis ? Pour faire ce que que nous faisons tous les jours.
Moi : Tu te paluches dans des enveloppes ?
Nonalf : NON j'essaye de séduire l'amour de ma vie.

J'en lâche ma pile d'enveloppes.
Nonalf : Mais ne t'inquiète pas, je t'aime toujours.
Moi : Stop. Raconte moi l'histoire depuis le début.
Nonalf : Si tu y tiens...

Mon compère rital va alors chercher deux verres en cuisine qu'il revient poser à même le sol de son bureau. Il débouche alors une flasque et remplit les contenants d'un liquide ambré qui fait chatoyer les yeux comme le palais.
Une gorgée pour le courage, une autre pour l'inspiration, et le voici qui se lance :
Nonalf : Tout a commencé il y'a quelques mois. J'ai décidé de m'enfoncer dans les entrailles de la grande toile mondiale. J'envoyai en pure perte mes petites araignélectroniques pour me rapporter des canevas d'informations que je renvoyais aussitôt.
Moi : Jusqu'ici tout va bien.
Nonalf : Puis j'ai découvert Truitter. Un service qui permet d'envoyer des lettres en 140 fils, les fameuses truites, et c'est ainsi que son image me parvint. Une grande brune. Bien en chair. Une garde robe classique qui la fait ressembler tantôt à une pin-up, tantôt à une jeune noble de la caste des vampires... Et elle est devenue l'objet de toute mon attention.
Ses longs cheveux bruns qui sentent le cassis. Sa bouche rouge comme une cerise charnue. Ses seins comme...
Moi : C'est bon, j'ai compris.
Nonalf : Ne fais pas ton jaloux. Chaque petite truite arrivait dans mon filet et finissait disséqué par mes soins à la recherche du moindre trait de son âme, qui me permit d'en faire un portrait qui séduirait n'importe quel curé de campagne.
Et je décidais que je devais l'avoir. La serrer contre moi lorsqu'elle pleure. Mordre ses épaules pendant que je déchire ses robes.
Moi : J'ai compris.
Nonalf : Être son amant, son mari, son père, son frère, sa maitresse, sa femme, sa mère, sa sœur, son meilleur pote de beuverie, sa meilleure amie de confidences...
Moi : J'ai compris !
Nonalf : Alors tu dois m'aider parce que j'arrive pas à attirer son attention...

J'en lâche mon verre.
J'explose alors comme tel : « COMMENT ? TOI LE RITAL AU GRAND COEUR ? LA VIRILITE TRANSALPINE FAITE HOMME ? Tu n'arrives pas à l'attirer dans tes filets ?
Nonalf : ... non... elle habite trop loin y'a que avec ces putains de lettres de merde que je peux la joindre.
Moi : Et le grand livre maléfique des visages ?
Nonalf : Le nécronomicon ? Es tu fou ? Je veux son âme pour moi, pas pour l'échanger contre une invasion de zombies, même si l'idée est tentante je le concède.
Moi : NON ! L'autre endroit ou se retrouve les âmes perdues !
Nonalf : Fesse-bouc ? Mais non, c'est pour les zoophiles, comme son nom l'indique. Tu es quand même très dérangé mon pauvre ami. Dans quel endroit vas tu trainer ?
Moi : Peu t'importe. Et tu veux qu'on fasse quoi alors avec tes poissons pourris ?
Nonalf : Tu vas te faire passer pour un admirateur, tu lui diras que tu connais la personne parfaite pour elle, tu lui diras à quel point je suis grand, beau et juste, tu lui relaieras mes baisers enflammés, tu lui enverras mes mouchoirs pour sécher ses larmes, tu lui enverras mon espoir lorsqu'elle sera au fond de l'abime du désespoir...
Moi : Et tout ça sans qu'elle me préfère moi au final ?
Nonalf : … T'as raison c'est un plan de merde... »

Mon acolyte se lève.
Il va alors à la fenêtre donnant sur son labyrinthe végétal.
« Tu sais me dit il, parfois je me prends à réver que la vie est clémente. Qu'une fois, une seule, nous serons heureux. Libéré des contraintes de la société. De son carcan moral. De ses préjugés intellectuelles qui dénigrent tout et tout le monde. Mais je me rends compte que cette salope de société est aussi la seule à pouvoir nous l'apporter. Et elle nous tente tous les jours. Sale pute. On paye notre électricité, notre eau, notre nourriture... C'est rien qu'une sale pute. Et on a quoi en retour ? Après nous avoir tenté avec ses jambes galbées et ses fesses moulées dans un short indécent elle nous laisse nous branler. Sale pute. »

J'inspire.
J'expire alors mon dépit mâtiné de rage dans la tirade suivante :
«
Ce jour est définitivement à marquer d'une angine blanche. Aujourd'hui, toi, l'un de mes meilleurs amis, un homme à l'intelligence mal appropriée, mal usitée mais sur laquelle je peux compter, tu te révèles être impuissant face à une situation banale. C'est déjà un haut-fait.
Mais, moi, le sociopathe névrosé, le champion mondiale de la timidité agressive, qui préfère le bunker de la tranquillité innocente, je vais pour la première fois le dire : Agis.
Lève toi, soit beau, soit grand, soit fort. Je veux te voir défoncer des portes à coups de pied. Rouler à vive allure vers l'objet de ta quête en écrasant les faibles et les innocents qui ne sont pas dignes ne serait-ce que de te dévisager.
Vas-y, prépare toi soigneusement, SUIT UP !
Puis prends des fleurs, mais pas de l'interflora ou le vrai a une gueule de plastoc, hein... VA BRAQUER UNE PUTAIN DE SERRE !
Fonce aussi vite que la maréchaussée ne puisse résister à ton puissant destrier OU ALORS DEFONCE LES AVEC TON GROS CALIBRE !
Sonne à sa porte, tambourine s'il le faut, et si les voisins demandent qu'elle est ce raffut qui leur parvient ALORS TAMBOURINE LES AUSSI !
Lorsque ta belle ouvre, déclame lui ta flamme, dis lui tout. TOUT. QU'ELLE CAPTE LE MESSAGE CETTE RADASSE !
Et si jamais, au grand jamais, elle te repousse, ALORS CARRE LUI SES PUTAINS DE FLEURS DANS LE CUL ! 
»

Je finis mon verre.
Toujours planté devant sa fenêtre, mon compère ne bouge pas.
Je l'entends alors pousser un soupir.
Il se retourne. Me dévisage. Puis quitte la pièce.

« C'est sans espoir » me dis-je. « Elle l'a vraiment lessivé. Bon. Loin des yeux, loin de la bite. Il aura oublié dans deux mois. »

Alors que je m'apprête à passer la porte d'entrée pour retourner en mon logis, une main se pose sur mon épaule.
Je me retourne pour aviser mon compadre en tenue de sortie, haut de forme et canne de marche inclus.
« Ou va tu donc ? Me demande t-il.
Moi : Je rentre. Je te laisse faire ton deuil.
Nonalf : Que non. Nous y allons.
Moi : Ou ? Dans un lieu de perdition ou l'alcool se sert en tonneau ?
Nonalf : Non. Nous allons la voir. Et prends ça avec toi.
Moi : Que veux tu que je foute avec cette pioche ?
Nonalf : On s'arrête au jardin botanique en route. »

Il me pousse alors dehors et ferme la porte à clé.

samedi 7 avril 2012

maybe not...

L'autre soir, alors que j'étais dans mon grenier en train de revoir des photographies d'une soirée entre gens de bonne compagnie que j'aime (comprendre qui sont au dessus de la masse) je fus frappé d'une révélation douloureuse.
Alors que j'étais en train de réfléchir à une situation donnée, je me fis soudain le constat :
et si je ne valais pas mieux que ceux que je dénonce ?

Regarde toi. Tu dis qu'ils sont des moutons à suivre un berger, alors que tu en suis un autre.
Tu te demandes si ils sont capables de réfléchir par eux même, et tu te rends compte que c'est toi qui n'en est pas capable.
Alors à quoi ça sert de se battre si en fait tout n'est fait que pour sombrer ?

Je relève le défi.

lundi 19 mars 2012

Maude, donc


23H.

A l'intérieur du restaurant italien, je savourai ma coupe de fruits, ainsi que l'air de la mandoline, lorsque Nonalf posa son séant sur la chaise devant moi.
« Grands Dieux, le pouvoir allégeant du pipi m'étonnera toujours » dit-il en se resservant un verre de vin pour remplir le bocal à présent vide.
« Nous sommes à table. » lui signifiai-je en espérant qu'il arrêtera ses allusions urinaires.
« Sans déconner. » me répond-il d'un ton de reproche, « As-tu cru que j'allais pisser dans la cruche ? Pour qui me prends tu ? Pour un vil gâcheur de vin ?»
Moi : « Plutôt pour un gros sale qui ne s'est pas lavé les mains après sa miction impossible. »
Nonalf : « Voyons cher ami, si je me lave les mains, comment vais-je pouvoir me charger en phéromones qui m'aideront à attirer la gent féminine ? »
Moi : « Je croyais que tu utilisais des sucettes à l'anis ? »
Nonalf : « Tu dis n'importe quoi. Les sucettes à l'anis sont pour les petites filles. A l'inverse, les grandes filles s'attrapent avec des succions à l'anus. »

Je repose ma cuillère dans la coupe qui m'apparait alors pleine de dégout et de dépit.
A moins que ce ne soit moi.
Je tourne alors la tête pour essayer de me distraire des visions d'horreur qui s'installent en mon esprit.
A cette heure, le repaire de la mafia italienne de Limoges est calme. Don Filipo fait causette à un couple de notables qui cherche à s'encanailler. J'entends Don Guido s'activer en cuisine pour pouvoir fermer l'établissement.
Il ne reste plus que nous, le couple, et une jeune femme que j'aperçois alors dans un coin juste devant le bar.
Brune. La peau laiteuse. Un petit nez retroussé sous de grands yeux clairs. Mince, enfermée dans une robe noire du plus beau deuil.
Elle déguste lentement une mousse au chocolat. Ses longs doigts tiennent une cuillère du bout de la tige.
Je la vois faire le tour de la coupe avec sa cuillère en raclant les bords pour ne laisser aucune trace au sein du contenant de l'objet de son attention.
Lorsqu'elle estime avoir assez de matière chocolatée, elle porte alors l'objet de son désir à sa bouche, entrouvre doucement les lèvres, y dépose la boule de cacao, puis joue avec la cuillère prisonnière de ses dents dans un mouvement de langue appliqué avec dévotion.

C'est à ce moment précis que la belle, se sentant surement épiée, tourne la tête dans notre direction.
Lorsque le contact visuel s'opère entre elle et moi, la voilà qui retire prestement la cuillère en argent, telle une petite fille prise en faute avec une douceur interdite.
Je reste alors prostré dans ma posture de voyeur anonyme, tout en cherchant en mon esprit la formule adaptée pour lui signifier que mon coup d'œil scrutateur est un hommage à sa beauté et non une évaluation à visée lubrique digne de Stanley.
Elle me répond alors d'un sourire qui laisse découvrir des dents carnassières maculées de mousse d'ébène.
De l'autre côté de mon crâne, le bruit d'une chaise renversée m'indique que mon collaborateur culinaire vient de se lever. Inutile de tourner la tête pour confirmer cette impression, puisque la bête véloce est déjà dans mon champ de vision, face à la beauté gourmande.
Pas d'invitations, pas de préliminaires, il attrape une chaise et s'y assoit à califourchon, tel un flic des années 80 prêt à cuisiner une suspecte de l'autre côté de son bureau.
Je me lève prestement, sentant le vent du duel souffler sur l'établissement. Une balle de foin aurait pu traverser l'allée, que je ne m'en serai pas ému.
Je me cale donc a côté de mon compère. Bien entendu je ne suis pas naïf au point de penser que ma présence l'empêchera de dire les pires immondices à cette jeune femme.

Il prend alors sa main libre, et lui déclame « Mes respects belle inconnue.»
Mon dieu, qu'est ce que cette innocente créature a fait pour mériter ça ? Si il commence par les respects, alors peut être qu'elle sera inconsciente avant de subir les derniers outrages que l'esprit sadique de mon ami peut lui réserver.
Elle le regarde. Entrouvre la bouche. Alors que mon camarade et moi sommes prêts à nous délecter de chaque octave de la voix, que nous supposons enchanteresse, de la superbe elle lui dit :
« hé mec tes toujour oci chiant ken tu parle ? »

Mon acolyte m'adresse alors un regard d'incompréhension teinté de peur.
Se peut-il que la divine créature qui nous fait face ait le cerveau aussi malaxé que son dessert chocolaté ?
« Milles excuses gente damoiselle, vous êtes ? » demande t-il avec l'espoir vain de ne pas s'être trompé sur le compte de son interlocutrice.
« Temerde pas avek mwa. Cose normal. »
Nouveau regard entre lui et moi. Si il eut jamais un fond de pitié pour la bougresse, il est mort tel le sentiment d'émerveillement d'un enfant qui découvre un jouet moche au sein d'une pochette surprise de supermarché.
Il lâche alors la main de la belle, croise les siennes, puis prend une profonde inspiration de courage.
Nonalf : « Ton nom. »
Inconnue : « Maude »
Nonalf : « T'es majeure ? »
Maude : « ta l'air kool, tu peux m'appeler maumau. »

Les informations nécessaires ayant été récupérées, je profite du moment de flottement pour aller récupérer nos verres d'alcool à notre table. Je sens qu'une bonne dose de courage version chevaliers de la table ronde du château piquette ne sera pas de trop.
J'observe alors la scène avec un peu de recul. Le guerrier rital qui me fait office de compère d'agape va t-il tenter de déchirer le paquet cadeau empoisonné qui lui fait face ?
Je me rapproche pour observer la suite du match.

Nonalf : « On va pas y aller par quatre chemins, t'as un mec ? »
Maumau : « Nan »
Moi : « Sans deconner... »
Nonalf : «Sure ? Pas de fiancée largué récemment ou de pote de baise dans le placard ? »
Maumau : « Tinquiète y'a plein 2 place dent mon placard. Pour ton paute oci. »
Moi : « Je passe mon tour. »
Nonalf « Voyons Pastèque, je suis sur que nous pouvons nous entendre... »
Moi : « Tu n'es pas mon genre. »
Nonalf « Je sais putain, je parle pas de toi fruit pourri, je parle d'elle. On va peut être trouver du bon. T'aime quoi comme musique beauté ? »
Maumau : « Tout. Jai dé gouts assez électriques tu voi... »
Nonalf : « Ha donc la techno, la trance, la jungle amazonienne, toutes ces musiques électroniques... »
Maumau : « nan j'aime dé trucs différan tu voi... »

Silence. Le temps d'analyser la situation, l'horrible vérité me saute à la face tel un bébé alien.
« Elle voulait dire éclectique... » dis-je alors dans un souffle. Nonalf lève la main, comme pour m'empêcher de briser le rêve en lequel il veut encore croire.
Un coup d'œil supplémentaire entre nos virilités s'opère.
Mon acolyte retire ses lunettes et prend son inspiration.
Nonalf : « Tu sais ma Pastèque, parfois j'essaie. Je me dis qu'il y'a un fond de bon en chaque être humain. Qu'il faut juste le secouer tel la pulpe au fond de la bouteille de boisson aux arômes naturels d'orange, et qu'une fois renversée, tout cette pulpe qui donne le goût à la personne, à la vie même dirais-je, puisse redonner une lueur d'espoir aux déçus de la vie que nous sommes. »
Une larme vient de se former au coin de mon oeil droit.
Un ange passe. Maumau le descend tel une chasseuse expérimentée :
« Bon les gros jvais retrouver mes bestas au club, yaura ce qu'il faut. Vous venez ? »

L'indécente propose.
Pendant que mon compère rassemble, soit ses esprits, soit le peu de foi en le genre humain qu'il peut lui rester, je cherche au fond du marc de pinard qui stagne au fond de mon verre si j'aurai la force de supporter cette comédie dramatique plus longtemps.

Mon acolyte se lève. D'un revers de manche, il balaie l'argenterie et se met à hurler :
« 
PUTAIN MAIS TAS RIEN COMPRIS GROSSE MORUE ! ON SEN BAT LES COUILLES TES CONNE ET YA RIEN POUR TE RATTRAPPER. TU COMPRENDS PAS QUON EN PEUT PLUS DES GENS COMME TOI ? QUI SE REPAISSE DANS LEUR INCULTURE ET DE LEUR FOND DE PENSEE TELEVISUELLE ? NOUS VOMISSONS TOUT CE QUE VOUS REVENDIQUEZ DE CULTUREL AU PRIX DUNE BOUILLIE DE BAS ETAGE SERVIE PAR DES VENDEURS DE PUB QUI NESPERENT QUE RAMENER VOS CULS DANS LES RAYONS DES SUPERMARCHES PENDANT LA PAUSE PIPI DE LA SERIE AMERICAINE DU JEUDI SOIR ?
Vous êtes devenus incapable ne serait ce que d'accepter que des gens puissent aimer des choses différentes des vôtres. Juste parce que la télé le dit et que les autres cons qui te servent de potes, sur qui tu ne peux pas compter, aiment ça aussi.
Si la télé et la radio le diffuse, c'est que tout le monde doit aimer ça hein ?
C'est ce que tu penses, c'est ce que vous pensez tous. Après digestion, tout à la même couleur, mais si c'est déjà de la merde à l'entrée, ça ne fait aucune différence pour les gens comme vous. 
»

La bête a parlé.
La bête râle.
Nonalf se laisse tomber sur sa chaise tel le gladiateur qui vient de mener un âpre combat.

Une larme vient de couler le long de ma joue.
Autour de nous, il n'y a plus que le silence. Don Filipo a toujours le doigt fourré dans la bouche de madame la notable.
Don Guido est sorti de sa cuisine pour vérifier l'état du champ de bataille.

J'efface de mon visage les restes de mon émotion. Puis je tends son verre à mon compatriote d'indignation. Il le prend. Le finit. Et le fracasse par terre avant de se lever.

Maude se lève aussi, attrape son sac, et s'en va sans payer.

« Elle était pas si conne que ça finalement... » constate-je.

Nous éclatâmes alors de rire avant de sortir en nous tenant par les épaules...


mercredi 14 mars 2012

Lettre ouverte à A.


Ça fait un moment que je prépare cette lettre ouverte à ton attention, je te laisse constater :
- Après une version 1 définitive que j'ai trouvé honteusement impubliable après une autre lettre ouverte ou il était question de survie et de lapin (mais pas de la survie du lapin, il finira bel et bien en civet).
- Une v2 sans queue (ceci n'est pas sale) ni tête (ceci n'est pas une blague sur les handicapés mentaux).
- Une v3 dont j'ai gardé la structure pour faire autre chose parce que je suis comme ça.

Voici enfin la version définitive que je t'adresse (garantie sans balls dans le potage).

Car vois-tu ma chère, j'ai, encore, pensé à toi. 
En effet, l'autre soir, alors que je relisais « Guerre et paix » avec pour seuls vêtements mes lunettes en titane et mon caleçon Spiderman (le héros qui gicle plus vite que son ombre), je fus perturbé dans ma lecture par un pneumatique de mon ami Nonalf.
Je te le retranscris tel qu'écrit :
« Hey ma grosse pastèque pourrie, ça veut dire quoi « je t'aime » ? Gros poutoux et brosse toi les dents avant d'aller dormir. »

Donc : Je t'aime.
Peu de mots, mais une infinité de possibilités derrière.
Pour beaucoup de mes congénères (en un mot), c'est une réponse.
Une réponse à une demande, ou à un problème, voir à une nécessité physique impérieuse qui supplante tout ce qui existe.

« J'en ai assez qu'on se voit si peu » Je t'aime.
« T'as pensé à dégivrer le frigo ? » Je t'aime.
« Je crois que ça me chatouille dans le bas ventre, derrière les poils... » Je t'aime !

Du futile en passant par le crucial jusqu'à l'érection.
Sur une échelle d'importance des réponses aux questions sur la vie et l'univers, « Je t'aime » doit se trouver directement après 42. (ou 69 je ne sais plus...)

Mais pour moi, c'est une question.
Je t'aime ?

« Ça te dit qu'on dine ensemble ? » Je t'aime ?
« Tu te souviens qu'on va manger chez mes parents dimanche ? » Je t'aime ?
« Est ce que tu vois cette fille dans mon dos ? » Je t'aime ?
« Est ce que tu aimes cette photo de moi ? Celle ou j'ai ma robe blanche à bandes noires, mon rouge à lèvres Dior et ou je mordille mon annulaire ? » Je... t'aime ?

Du futile en passant par le crucial jusqu'à l'érection. (Maudite robe blanche ! Et ne parlons pas de la robe rouge...)
Donc le « Je t'aime » c'est soit le briquet qui allume la bombe, soit le seau d'eau qui éteint l'incendie.
Soit c'est l'escalier vers le paradis, soit l'autoroute vers l'enfer. (vous me réviserez ces deux-là pour le prochain blind test)

Pour conclure, je dirai que le « Je t'aime », c'est une arme à double tranchant.
D'accord ça permet de trancher dans le vif, mais si tu te le prends dans la gueule ça te laisse une balafre.
Et pour revenir sur cette histoire de poils, faites attention à bien pincer le réservoir de votre « je t'aime. »

Alors si un jour tu lis ce texte ma chère A... je nierai même sous la torture.

A...mitiés.
Ta pastèque.

lundi 5 mars 2012

10


10 ans.
Tant que ça ?
J'ai l'impression que ça fait beaucoup. Presque trop.
A l'époque, j'étais pas encore completement un fantome, mais je rasais déjà bien les murs.
Le même moment ou on ne sait pas encore trop ce qu'on veut faire de notre vie.
Est ce que je sais maintenant ? Pas sur...

Je pourrai vous raconter l'histoire de tellement de manières différentes...
La version steampunk me tente assez. Elle, blonde, aventureuse, jupon cachant les plus subtiles inventions mortelles. Nous autres en chasseurs de monstres, haut de forme, monocle, lame d'argent caché dans la canne... Nuits de chasse sans fins, rencontres improbables, soutien mutuel et disparition tragique dans les chutes du niagara...

Ou alors version films noirs. Trenchcoats au porte-manteau dans un bureau de détectives privés cloisonné dans un immeuble miteux à New-York. Jack Daniels sur la table, lucky strike flottant dans les airs brassés par le ventilateur. Oiseaux de nuits désoeuvrés. Elle, toujours blonde, robe pin-up, talons aiguilles qui résonnent sur l'asphalte. Sang et larmes avant de se retrouver jeté dans le port pour finir en cadavre à la dérive...

On peut faire une version "film français" pour nos amis les fans de Louis Garrel. Avec une jeunesse insolente dans un Paris stérile, bravant la vie avec des bons sentiments. Repas en été arrosé à la vodka, dormir les uns sur les autres apres une folle nuit de boisson. S'entredéchirer pour des broutilles et finalement traverser toute cette merde qu'on appelle la vie, les uns sans les autres en se demandant comment on a survécu trois minutes avant le générique de fin.

On en a fait des belles. On en a fait des moches. Mais au final, qu'importe le moment ou le rideau tombe, qu'importe ce qui s'est passé, ce qu'on a dit ou pas dit, fait ou pas fait.
On est tous ensemble. Le reste n'a aucune importance.

mardi 28 février 2012

10 minutes à 200°


Appuyer sur le bouton du four.
Régler la température sur 200°.
Attendre pendant 10 minutes.

Ni trop chaud, ni trop froid.
Ni très longtemps ni pas suffisamment.
J'ai l'impression de passer ma vie comme ça.

D'abord, on préchauffe. C'est la phase ou les éléments se mettent en place.
On retire un emballage. On ouvre une lettre. On reçoit un coup de téléphone. On retire les vêtements d'une fille.

Ensuite on chauffe. C'est le coeur de l'action.
On fait cuire le plat. On rédige une réponse. On converse. On embrasse.

Puis on retire le plat du four.
On mange le contenu. On envoit une réponse. On raccroche. On jouit.

Puis c'est la fin.
On nettoie son assiette. On attend une réponse. On attend un rappel. Elle s'en va.

Le plat n'était ni trop froid pour que ce soit désagréable et ni trop chaud pour que ça brule.

La correspondance n'était ni trop ennuyeuse pour qu'on se donne la peine de répondre, ni trop intéressante pour que l'on regrette qu'elle s’arrête.

L'offre d'emploi n'était ni trop obscure pour que l'on se donne la peine d'essayer, ni trop magnifique pour que l'on se force à postuler alors que l'on ne veut pas 

La fille n'était ni trop calme pour que nous prenions pas tous deux de plaisir, ni trop passionnelle pour qu'elle voit mes défauts.


Et une fois que c'est fini... On attend que ça recommence.