Parce que toutes les belles histoires
ont un beau début, laissez-moi vous conter ma rencontre avec Nono de
Gandalf.
Nono de Gandalf a des plaisirs simples.
Tel que bruler des fourmis avec une loupe, raser la tête des
adorateurs de Michel Sardou ou uriner sur le cadavre de ses ennemis
après les avoir balancés dans la rivière.
C'est lors de cette dernière occasion
que je fis sa connaissance. Je vous la retranscris tel que je m'en
souviens :
Alors que j'étais en train de lire du
Chateaubriand sur les berges de la Vienne, tout en appréciant la
couleur des lumières clignotantes de l'autre côté de la rivière
et en me délectant de l'orchestre qui jouait dans une guinguette
toute proche, je vis un cul.
Un cul ferme, ni trop gros ni trop
maigre, à la pilosité rare, le tout rosé par l'air frais de la
soirée qui s'installe.
Ce cul est desservi par un pantalon en
velours de facture honnête, et surmonté par ce qui m'apparait être
le costume d'un gentilhomme de la bonne société.
« Que d'embarras, que
d'embarras... » entends-je le propriétaire du fessier
mentionné plus tôt alors qu'il se donne toute la peine possible
pour se déplacer le long de la berge.
Tiré de ma délectation de l'instant
par cette vision charnelle et virile, je décide d'interrompre ma
lecture pour suivre le manège du sujet qui me tourne impoliment le
dos.
Au bruit de mon livre se refermant, l'homme possesseur de la
paire s'arrête.
Il se raidit.
Je devine ses bras s'agiter
frénétiquement, et pourtant il reste interdit.
Aurait-il pété,
j'aurai envisagé l'hypothèse qu'il essaye de me signifier le
non-intérêt de ma présence en me proposant de me chier dessus.
Mais notre gentilhomme n'en fit rien.
« Que d'embarras... »
répéta-t-il tout en remontant son falzar sur la face de sa lune qui
ne m'est donc plus caché.
« Voyons cher monsieur, lui
réponds-je, sans connaître vos habitudes et votre obédience
charnelle, je devine qu'un esthète de votre trempe a eu aussi son
lot de mont de Vénus à admirer. »
« Moi ? Un esthète ? »
demande t-il, piqué au vif, mais toujours en me tournant le dos,
hésitant peut être sur ma sexualité.
« Très certainement, lui
confirme-je, je vois là en face de moi un homme communiant avec la
nature en un temps propice à son appréciation. »
L'homme part d'un rire éclatant qui
caractérise l'amateur de bonne chair et de mauvaise vie. Il se
retourne. Et je découvre donc le visage sympathique, au sourire
franc, encadré par des favoris de fort belle épaisseur, de mon
compagnon de berge.
« Le crépuscule est en effet une
heure adaptée pour les travaux qui sont les miens. » me
dit-il, tout en sortant une pipe de sa poche qu'il commence à
bourrer consciencieusement.
« Puis-je ? » demande t-il
en désignant l'espace à ma droite du bout de sa fournaise portable.
« Je vous en prie »
réponds-je en tirant un cigare de mon étui.
L'homme s'assoit. Je remarque alors la
masse flottante qui continue a descendre tranquillement la rivière.
« Êtes-vous un contrebandier qui
profite de la baisse d'activité sur les ponts pour laisser flotter
des paquets à destination de quelque complice en aval de la rivière
? » lui demande-je en désignant la masse d'ébène qui
disparaît peu à peu au loin, son activité crépusculaire me
paraissant une bonne manière d'entamer la discussion que nous allons
avoir le temps de notre fumette.
« Du tout, du tout. » me
retorque-t'il en allumant sa pipe. « Ce que vous observez est
le corps d'un malheureux receleur d'herbes d'appartement qui a fait
une affaire pire que celle qu'il me proposait. » me précise
t-il avant d'attiser le fourneau de l'enfer calé entre ses dents.
« Êtes vous alors une sorte de
bourreau qui règle les affaires de ses amis de la bonne société
? » hypothèse-je, piqué de curiosité par l'audace et les
manières antireligieuses de mon camarade.
« Occasionnellement je puis
exercer cette activité, mais elle n'est point ma
préférée. » m'explique t-il « Car voyez-vous cher ami,
oui j'ai l'audace de vous appeller cher ami car je vous aime déjà
beaucoup, outre celui de déshonorer mes victimes après leur mort,
je ne peux me permettre aucun plaisir précédant à leur trépas, ce
qui me prive donc de beaucoup de joie à la tache. »
Je savais que l'homme ne pouvait être
un mauvais bougre. Un tel mépris pour l'humanité ne peut cacher
qu'un être intelligent.
« Vous m'en voyez fort aise »
lui dis-je en lui offrant ma main ganté dans la position sociale du
salut introductif entre étrangers polis. Il accepte mon invitation
gestuelle et m'en sert cinq fermement.
« J'ai pour nom Nono de Gandalf »
s'introduit-il « Mais mes bons amis m'appellent Nonalf et je
vous autorise donc à m'appeler ainsi si toutefois ma compagnie ne
vous effraie point. »
« C'est avec le plus grand
honneur que j'accepte de vous renommer comme vous le souhaitez. »
lui réponds-je « Quant à moi j'ai pour nom Derpa Steack, mais
seul une rare minorité de privilégiés m'appelle Pastèque, ce que
je vous enjoins à faire. »
« Ce sera de même avec le plus
grand honneur que je vous nommerai ainsi. » me dit-il « Cette
terre est remplie de gens trop étriqués refusant tout contact avec
l'inconnu. J'ai remarqué une noce se dirigeant vers la guinguette en
amont alors que je venais décharger notre ami flottant. L'avez vous
vu ? »
J'opine du chef comme le ferait un
homme de ce rang.
« J'ai observé leur cortège
marital. » poursuit-il « Un grand dadais venant d'épouser
une secrétaire. Des parents gros et gras comme des notables trop
bien nourris. Des enfants intenables courant les uns entre les autres
lors de jeux de touche-pipi vaguement honnête. Des amis ruminant
entre eux leur jalousie et qui n'attendent que le vin d'honneur pour
se sauter entre eux... »
Il s'arrête.
Il pense.
Je l'entends
déglutir son dégout.
« Des gens d'aujourd'hui, qui
vivent comme aujourd'hui. » remarque-je.
« EXACTEMENT ! »
hurle-t-il. « Il n'y a pas encore si longtemps, du temps de nos
pères et de nos grands pères, nous avions de vrais beaux banquets
ou les mariés donnaient de leur bonheur pour qu'il soit partagé par
tous. Les parents ne faisaient pas la fine bouche en se demandant
combien de temps ça va durer avant de devoir remettre le costume
avec le pantalon ou la jupe qui serre le ventre. »
Je continue : « Et les enfants
n'étaient pas des morveux gâtés aptes à profiter de chaque
distraction et les amis n'étaient pas des égoïstes intéressés
par leurs propres besoins sexuels. »
« Oui, vous avez raison. »
dit-il en me regardant « C'est exactement ce dont je parle,
notre société a fait changer les gens plus vite en 30 ans qu'en un
siècle. »
J'opine à nouveau. « Si je puis
me permettre mon cher Nonalf, » commence-je « il me
semble que
tout dans notre société a été fait
pour détruire ça et le remplacer par cette morosité, cette
élitisme, et cet égoïsme putride dont nos dirigeants sont les
meilleurs exemples. »
« Si fait » me
retorque-t-il « et tout cela au nom de quoi ? Du consumérisme
? De la loi du plus fort ? De l'audimat ? »
Il s'arrête et entreprend de vider sa
pipe.
Alors que je jette mon cigare dans la rivière, il reprend :
« Voyez vous cher ami, nous
arrivons à un point critique de notre époque. Les gens ne cessent
de devenir pire de jour en jour. Parce que c'est mieux. Parce que
c'est plus confortable pour eux d'être pire. Parce que tout le monde
le devient et qu'il faut être comme tout le monde. Vous vous rendez
compte ? C'est devenu bien d'être pire. Vous pouvez accepter ça
vous ? »
Je sors alors ma montre, consulte
l'heure et tourne la tête vers la guinguette.
Au loin, un nuage de feu s'en échappe.
Les murs s'effondrent sur eux mêmes.
Un bruit assourdissant
retentit.
Des cris strident résonnent.
La guinguette vient
d'exploser.
« Ainsi donc, l'engin explosif
que j'ai trouvé en allant percer les conduites de gaz vous
appartenait ? » me questionne-t-il.
Je ne réponds point, me contentant de me relever et d’épousseter mon vêtement. Il sourit, puis refourre sa pipe.
Je ne réponds point, me contentant de me relever et d’épousseter mon vêtement. Il sourit, puis refourre sa pipe.
« C'est inacceptable. Pour vous
comme pour moi. » explique-je. « Nos pères et nos
grand-pères se sont battus pour nous transmettre des valeurs. Il est
temps de le rappeler à certains. »
Nonalf me dit-alors :
« Cher ami, je vois que nous empruntons la même route pour
aller vers le chaos... »
« Ce n'est qu'un arrêt sur
l'autoroute de l'enfer. » répondis-je.
Et nous marchâmes
ensemble vers le futur.
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