mercredi 22 février 2012

Proposition un-descente

Une mer de feuilles de papier s'étend sur le sol de mon grenier. Il est devenu ma retraite depuis que je me suis remis à écrire.

Des pensées journalières, des embryons de nouvelles, mais rien qui ne me serve au final.

J'étais allongé sur le dos à même le parquet, en train de fumer une cigarette, lorsque je vis la tête de mon acolyte Nonalf passer par la trappe.

« Hé bien, qu'avons nous là ? » me demande t-il en terminant son ascension.
« Nous avons une pastèque flottant à la dérive sur une mer d'encre. » réponds-je.

Le voilà qui contemple mon atelier d'écriture en sortant une flasque de sa poche.
Nonalf : « Cela correspond bien à l'idée que je me fais du repaire d'un sociopathe professionnel... »
Moi : « Comment es-tu entré ? »
Nonalf : « ...Des feuillets partout qui sont la preuve de l'agitation intra-crânienne du maître des lieux... »
Moi : « J'avais fermé la porte à clé. »
Nonalf : « ...Ce qui prouve son intelligence hors du commun ainsi que ses facultés de... »
Moi : « Tu as fracturé ma porte, enfant de salop. »
Nonalf : «... De déduction donc. Fais pas ta précieuse, je t'en offrirai une vraie de porte, pour ton petit Noël. Et si tu es sage, St Nicolas viendra la poser lui même. »

« Heureusement que l'hiver est fini... » pensai-je en me redressant. Mon compère s'est assit. Il boit quelques lampées de sa fiole en lisant les feuillets éparpillés autour de lui.
Il en prend un, s'y attarde quelques secondes, le jette le plus loin possible, boit une gorgée, puis en reprend un autre.
Si il buvait pour oublier, j'en déduirai que mes écrits pousserait à l'alcoolisme n'importe quel être censé. Heureusement, mon alcoolyte ne va pas dans le même sens.

« Qu'est ce qui t'amène ? A part vouloir vérifier si je suis en sécurité ? » demande-je en lui servant mon plus beau regard accusateur.  En mon esprit, l'expression « prendre la porte » vient d'acquérir un sens nouveau que je brevetterai volontiers sur le coin de son visage.
« On sort ensemble. » me dit-il, tout fier comme si il venait de trouver une nouvelle victime à torturer.
« Ne le prend pas mal cher ami, mais tu n'es pas mon genre » lui retorque-je.
J'ai subitement l'impression d'être le docteur Watson en train d'éviter de se faire embarquer par Sherlock Holmes dans une course poursuite qui finira mal.
« Ne fais pas ton obtus, nous sortons affronter le monde et y mettre des coups de langue tel le tamanoir affamé devant la fourmilière offerte. »

La métaphore me laisse perplexe, ce que je lui signifie aussitôt par ces propos :  « Est ce que tu essaies de me dire que nous sommes des puissances supérieurs face un regroupement insignifiant par la taille qui représente une source de distraction, ou que tu as une langue de 60 centimetres ? »
« Il n'y a pas de mauvaises langues, il n'y a que des clitos difficiles » me répond-il avec le dédain de celui à qui on ne le fake pas.
« Certes... Et tu as un plan d'invasion de la fourmilière à disposition ?» demande-je.
« Si fait, regarde donc. » dit il en me tendant une feuille pliée en quatre qu'il vient de sortir de sa poche.

J'y découvre la publicité pour un service rendu aux citoyens. Même si les couleurs criardes de l'affichette me laisse penser qu'il s'agit plutôt d'un service vomi à la populace.
« Tu veux monter un blaugue ? Qu'est ce ? » demande-je.
« C'est la nouvelle tribune grecque. » me dit il
Moi : « On déclame des discours à poil sous une toge devant des homosexuels ? »
Nonalf : « Non, à moins que tu ne veuilles à tout prix étaler ta virilité, tu t'exprimes à la cité en toute liberté depuis ton grenier. »
Moi : « Donc en fait, on va faire la même chose que d'habitude, mais en passant par un réseau électronique. »
Nonalf : « Exactement. Tous tes petits papiers, pensées tordues, réflexions aberrantes et idées saugrenues vont se retrouver au vu et au lu de tous par l'intermédiaire de la grosse toile mondiale. »
Moi : « Je pensais que tu allais me proposer de faire une descente dans je ne sais quel lieu à la mode ou le thon se trimballe en banc, mais hors de la mer ? »
Nonalf : « Houlà non malheureux ! Pourquoi pas aller dans une boite de nuit remplie de radasses comme Maude tant que t'y es ?. »
Moi : « Et ça va nous servir à quoi dans notre entreprise de poussage au suicide collectif de l'humanité ? »
Nonalf : « Voyons, c'est évident. Nous allons projeter nos idées subversives au sein de la pensée collective par le biais de la toile tel le fluide corrosif de la bête prédatrice. »
Moi : « C'est sale. »
Nonalf : « Non, c'est littéraire. »

Et nous voilà donc, malheureusement pour vous.

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