jeudi 26 avril 2012

Dimanche en Europe


Dimanche en France.
La tête qui bourdonne. Le sentiment de dériver dès qu'on s'allonge.
Alors qu'on s'attendait à voir débarquer faucilles et marteaux, ce sont les bottes et les impers qui sont revenus.
Paul n'a pas bu ce soir. Mais il a quand même envie de vomir.
Amis, familles... Ce soir on se demande comment on va regarder en face ces gens là. Certes, ce n'est pas toi qui a mit le bulletin pour Marine. Dans ce cas pourquoi est ce qu'on se sent coupable ? Coupable d'être né dans un pays qui vote à 20% pour l'extrême droite et à 25% pour la droite a peine moins extrême. Ça fait mal physiquement de voir des amis se sentir rejetés par le pays dans lequel ils ont décidés de vivre.
Paul se demande comment au bord de l'extinction, la seule chose qui importe à son pays c'est de savoir si il va se faire enfoncer la rondelle par la droite ou par la gauche. Sauf que c'est la double pénétration qui l'attend.

Dimanche en Islande.
Lara allume sa cigarette puis vérifie l'heure sur son téléphone.
Ses escarpins résonnent sur les pavés des grandes rues de Reykjavik. 
Avant, Lara travaillait comme secrétaire dans une usine. Elle a perdu son travail au moment de la délocalisation de l'usine pour un pays plus au sud. Mais elle s'est dit que ça ne valait pas la peine d'apprendre le polonais pour être payé seulement un dixième de ce qu'elle gagne à la capitale. Puis elle a retrouvé un nouveau travail chez un éditeur. Après la nationalisation des banques, l'économie est repartie et elle a eu plus d'offres d'emplois en un mois qu'en un an. Comme beaucoup de ses compatriotes, elle attend le procès de l'un de ces banquiers qui a fait perdre leurs emplois a des centaines de milliers d'islandais.
Ce soir elle va rejoindre son petit ami, Bardi. Ils se voient peu en ce moment. Bardi fait partie de l'assemblée populaire qui a rédigé la nouvelle constitution. Depuis que le gouvernement de Grimmson leur a proposé de reprendre leur destin en main, le peuple a changé de gouvernement et de mode de fonctionnement politique.
La tâche semblait impossible, mais ils ont relevés le défi et ont aujourd'hui une ligne directrice claire.

Dimanche en France.
Ce soir, Paul pense à Lara et à ses compatriotes islandais.
A chaque grande manifestation qui accompagne chaque grande réforme, les médias français disent que le peuple tricolore à « ça dans le sang ». Il paraît que c'est depuis qu'ils ont décapités leurs rois, que leur sang s'est mélangé a celui du peuple, qu'ils en veulent encore et ne manque pas une occasion de le rappeler.
Ça fait sourire Paul. Les français seraient capable de décapiter les nobles qui les ont oppressés mais pas les banquiers ? Pourtant le roitelet qu'ils s'apprêtent à décapiter virtuellement a bien aidé les banquiers et spéculateurs de tous poils.
Il se dit que si Lara s'intéresse à ce qui se passe en Europe, elle doit bien se foutre de la gueule des français, ces moutons arrogants qui s'apprêtent à s'entredéchirer lors d'une guerre civilo-religieuse.

Dimanche en Islande
Bardi dort mieux depuis quelques mois. Il n'est pas nationaliste, mais il aime savoir que son pays va bien. Ses amis ont tous retrouvé du travail. Lorsqu'il discute avec ses collègues de l'assemblée populaire, ils se félicitent de la reprise de la croissance et que leur pays ait pu rembourser une partie de sa dette au FMI. Ce n'est qu'un tiers certes, mais si la conjoncture continue, le pays sera sur les rails d'ici deux ans.
Malgré tout, lorsqu'il s'endort à côté de Lara, Bardi a un frisson. Il pense à la Grêce, à l'Espagne et à la France. Ces pays qui ont été longtemps des modèles sont en train de devenir des enfers. Bardi aimerait bien fonder une famille avec Lara. Mais même si il est plein d'espoir concernant son propre pays, il ne peut pas s'empêcher de craindre que la gangrène qui empoisonne ses voisins européens ne les atteignent à l'avenir.   

samedi 14 avril 2012

Lettre ouverte à S.


Ha ! Nous y voilà.
Si il y'a bien quelqu'un qui mérite d'avoir sa propre lettre ouverte c'est bien toi ma chère.
J'avais déjà écris un petit texte l'an dernier ou je pensais à toi.

Ça fait combien de temps qu'on se connait toi et moi ? 4 ans ? Au moins.
Ça fait combien de temps qu'on ne s'est pas parlé ? 2 ans ? Au moins.
A vrai dire ça ne m'étonne pas.

C'est pas la première fois que j'ai eu ce genre d'expérience.
Certains ont été désastreuses. D'autres moins.
T'as fais parti des moins.

Je crois qu'on est d'accord pour dire que l'on s'est menti réciproquement.
Est ce que nous sommes quitte ?
Bien sur.

Mais il en a pas toujours été ainsi tu sais.
Parfois, le soir, lorsque je suis engoncé dans mon fauteuil en cuir, et que j'écoute du jazz en dégustant un vieux malt, je me demande ce qui se serait passé si tout avait été vrai.

Imagine qu'on ait brisé le cinquième mur.
Tu nous vois tous les deux, allongés sur le canapé, à piocher des chocolats dans une grande boite rectangulaire en revoyant un vieux film comique en noir et blanc ? Non, je te pose la question sérieusement là, tu nous imagines comme ça ?

Tu sais quoi ? Moi non plus.

J'allais dire que c'était « insensé ».
Mais au final, le sens, tout comme la normalité, n'est qu'un point de vue.
Peut être que pour la plupart des gens, c'est sensé de se mettre en couple et d'essayer de construire quelque chose, et ce quelque soit les limites qui peuvent exister.
Sauf que pour nous, c'est l'inverse. Pour nous, c'est insensé de réaliser ça. Parce que nous ne sommes pas fais pour.
Ce qui nous paraît sensé, c'est que chacun suive sa voie dans la direction qu'il souhaite.

Alors, Dosvidanya, ma chère. Bon vent. Puisse t'il te porter le plus loin et le plus surement sur la voie que tu as choisie. Et merci.
Cette fois, c'est bon.

Ta royale Pastèque.

dimanche 8 avril 2012

Correspondance


16h
Alors que j'allai me glisser dans mon bain nu, avec mes lunettes en titane, pour continuer ma lecture des derniers rapports sur la situation en Crimée, je fus interrompu par un pneumatique de mon ami Nonalf.
« Situation grave. Besoin d'aide. N. »
Grave.
En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, j'avais déjà chargé le coffre de ma cadillac avec de quoi parer à toute éventualité. Je vous laisse juge :
  • Deux pelles
  • Un sac de chaux
  • Deux masques de Pluto (le chien de Mickey)
  • Une bouteille de Gin (en provenance directe de Londres)
  • 10 mètres de corde 
  • La discographie d'AC/DC (dédicacé par l'auteur)

Voilà qui devrait faire l'affaire. Je fonce donc en direction de la villa de mon ami.
A peine descends-je de mon fier carrosse, que je note l'entrebâillement de la porte d'entrée.
Cela commence à sentir mauvais.

Une fois le pied posé au sein du bureau de mon compagnon, je l'avise dans un fauteuil, enroulé dans un vieux châle marron. Il me semble distinguer une grande tache rougeâtre sur la poitrine de sa chemise blanche...
Il a l'air paisible. Je sens mes yeux s'embrumer alors que je me rapproche de son corps qui a l'air si faible et si fragile pour vérifier si il reste encore un soupçon de vie...

« Alors te voilà enfin... Après tout ce temps... » l'entends-je murmurer.

Mon compagnon se relève alors, jette le châle qui le recouvrait, et entreprend de faire des piles avec les enveloppes posées sur son bureau.

Moi : Saint Tom Jones soit loué ! Tu es vivant !
Nonalf : Bien sur que je suis vivant. Qu'est ce que ton esprit fruitierement romanesque est allé s'imaginer ? Que j'avais rejoins le paradis des joueuses de violoncelles ?
Moi : Mais l'odeur...
Nonalf : La fosse sceptique. Ne t'en fais pas, je te prêterai un scaphandrier lorsque nous irons la déboucher.
Moi : Mais... cette tache sur ta chemise...
Nonalf : J'ai pratiqué l'art le plus noble de mes ancêtres selon leurs rites les plus tabous.
Moi : Tu as lu l'avenir dans les viscères d'une chèvre vierge sans les mains ?
Nonalf : NON ne te fais pas plus fruit que tu ne l'es déjà. J'ai tout simplement préparé une pizza avec un tube de concentré de tomate qui m'a explosé au visage pour me punir de l'hérésie que j'étais sur le point de commettre. Maintenant aide moi, attrape donc ça.

Mon acolyte cuistot me jette alors une pile d'enveloppes dans les mains.
Moi : Qu'est ce ?
Nonalf : Des truites.
Moi : Heu... je ne distingue pas d'écailles... tu es bien sur que ce ne sont pas des enveloppes ?
Nonalf : Bien sur que ce sont des enveloppes bougre de cucurbitacé ! Les truites sont dedans.
Moi : Je ne saisis toujours pas...

Il attrape alors une enveloppe et en sort un petit papier.
« Voici la truite »commence t-il à m'expliquer en m'agitant le morceau de papier bleu sous le nez « De par sa taille, on ne peut y écrire qu'un nombre limité de caractères. Ensuite je la jette dans le flot de la grande toile ou une araignée se chargera de l'apporter à ma belle. »

Moi : Une information à la fois. Donc c'est un court message que tu fais parvenir par voie araignélectronique. Mais pourquoi cela s'appelle une truite ?
Nonalf : ça vient du nom du service. Ça s'appelle truitter.
Moi : Quel nom incongru.
Nonalf : Il paraît que c'est une baleine qui a lancé ça. Ce genre d'animal ne vole jamais droit tu sais...
Moi : Et donc pourquoi as-tu besoin de toutes ces truites ?
Nonalf : A ton avis ? Pour faire ce que que nous faisons tous les jours.
Moi : Tu te paluches dans des enveloppes ?
Nonalf : NON j'essaye de séduire l'amour de ma vie.

J'en lâche ma pile d'enveloppes.
Nonalf : Mais ne t'inquiète pas, je t'aime toujours.
Moi : Stop. Raconte moi l'histoire depuis le début.
Nonalf : Si tu y tiens...

Mon compère rital va alors chercher deux verres en cuisine qu'il revient poser à même le sol de son bureau. Il débouche alors une flasque et remplit les contenants d'un liquide ambré qui fait chatoyer les yeux comme le palais.
Une gorgée pour le courage, une autre pour l'inspiration, et le voici qui se lance :
Nonalf : Tout a commencé il y'a quelques mois. J'ai décidé de m'enfoncer dans les entrailles de la grande toile mondiale. J'envoyai en pure perte mes petites araignélectroniques pour me rapporter des canevas d'informations que je renvoyais aussitôt.
Moi : Jusqu'ici tout va bien.
Nonalf : Puis j'ai découvert Truitter. Un service qui permet d'envoyer des lettres en 140 fils, les fameuses truites, et c'est ainsi que son image me parvint. Une grande brune. Bien en chair. Une garde robe classique qui la fait ressembler tantôt à une pin-up, tantôt à une jeune noble de la caste des vampires... Et elle est devenue l'objet de toute mon attention.
Ses longs cheveux bruns qui sentent le cassis. Sa bouche rouge comme une cerise charnue. Ses seins comme...
Moi : C'est bon, j'ai compris.
Nonalf : Ne fais pas ton jaloux. Chaque petite truite arrivait dans mon filet et finissait disséqué par mes soins à la recherche du moindre trait de son âme, qui me permit d'en faire un portrait qui séduirait n'importe quel curé de campagne.
Et je décidais que je devais l'avoir. La serrer contre moi lorsqu'elle pleure. Mordre ses épaules pendant que je déchire ses robes.
Moi : J'ai compris.
Nonalf : Être son amant, son mari, son père, son frère, sa maitresse, sa femme, sa mère, sa sœur, son meilleur pote de beuverie, sa meilleure amie de confidences...
Moi : J'ai compris !
Nonalf : Alors tu dois m'aider parce que j'arrive pas à attirer son attention...

J'en lâche mon verre.
J'explose alors comme tel : « COMMENT ? TOI LE RITAL AU GRAND COEUR ? LA VIRILITE TRANSALPINE FAITE HOMME ? Tu n'arrives pas à l'attirer dans tes filets ?
Nonalf : ... non... elle habite trop loin y'a que avec ces putains de lettres de merde que je peux la joindre.
Moi : Et le grand livre maléfique des visages ?
Nonalf : Le nécronomicon ? Es tu fou ? Je veux son âme pour moi, pas pour l'échanger contre une invasion de zombies, même si l'idée est tentante je le concède.
Moi : NON ! L'autre endroit ou se retrouve les âmes perdues !
Nonalf : Fesse-bouc ? Mais non, c'est pour les zoophiles, comme son nom l'indique. Tu es quand même très dérangé mon pauvre ami. Dans quel endroit vas tu trainer ?
Moi : Peu t'importe. Et tu veux qu'on fasse quoi alors avec tes poissons pourris ?
Nonalf : Tu vas te faire passer pour un admirateur, tu lui diras que tu connais la personne parfaite pour elle, tu lui diras à quel point je suis grand, beau et juste, tu lui relaieras mes baisers enflammés, tu lui enverras mes mouchoirs pour sécher ses larmes, tu lui enverras mon espoir lorsqu'elle sera au fond de l'abime du désespoir...
Moi : Et tout ça sans qu'elle me préfère moi au final ?
Nonalf : … T'as raison c'est un plan de merde... »

Mon acolyte se lève.
Il va alors à la fenêtre donnant sur son labyrinthe végétal.
« Tu sais me dit il, parfois je me prends à réver que la vie est clémente. Qu'une fois, une seule, nous serons heureux. Libéré des contraintes de la société. De son carcan moral. De ses préjugés intellectuelles qui dénigrent tout et tout le monde. Mais je me rends compte que cette salope de société est aussi la seule à pouvoir nous l'apporter. Et elle nous tente tous les jours. Sale pute. On paye notre électricité, notre eau, notre nourriture... C'est rien qu'une sale pute. Et on a quoi en retour ? Après nous avoir tenté avec ses jambes galbées et ses fesses moulées dans un short indécent elle nous laisse nous branler. Sale pute. »

J'inspire.
J'expire alors mon dépit mâtiné de rage dans la tirade suivante :
«
Ce jour est définitivement à marquer d'une angine blanche. Aujourd'hui, toi, l'un de mes meilleurs amis, un homme à l'intelligence mal appropriée, mal usitée mais sur laquelle je peux compter, tu te révèles être impuissant face à une situation banale. C'est déjà un haut-fait.
Mais, moi, le sociopathe névrosé, le champion mondiale de la timidité agressive, qui préfère le bunker de la tranquillité innocente, je vais pour la première fois le dire : Agis.
Lève toi, soit beau, soit grand, soit fort. Je veux te voir défoncer des portes à coups de pied. Rouler à vive allure vers l'objet de ta quête en écrasant les faibles et les innocents qui ne sont pas dignes ne serait-ce que de te dévisager.
Vas-y, prépare toi soigneusement, SUIT UP !
Puis prends des fleurs, mais pas de l'interflora ou le vrai a une gueule de plastoc, hein... VA BRAQUER UNE PUTAIN DE SERRE !
Fonce aussi vite que la maréchaussée ne puisse résister à ton puissant destrier OU ALORS DEFONCE LES AVEC TON GROS CALIBRE !
Sonne à sa porte, tambourine s'il le faut, et si les voisins demandent qu'elle est ce raffut qui leur parvient ALORS TAMBOURINE LES AUSSI !
Lorsque ta belle ouvre, déclame lui ta flamme, dis lui tout. TOUT. QU'ELLE CAPTE LE MESSAGE CETTE RADASSE !
Et si jamais, au grand jamais, elle te repousse, ALORS CARRE LUI SES PUTAINS DE FLEURS DANS LE CUL ! 
»

Je finis mon verre.
Toujours planté devant sa fenêtre, mon compère ne bouge pas.
Je l'entends alors pousser un soupir.
Il se retourne. Me dévisage. Puis quitte la pièce.

« C'est sans espoir » me dis-je. « Elle l'a vraiment lessivé. Bon. Loin des yeux, loin de la bite. Il aura oublié dans deux mois. »

Alors que je m'apprête à passer la porte d'entrée pour retourner en mon logis, une main se pose sur mon épaule.
Je me retourne pour aviser mon compadre en tenue de sortie, haut de forme et canne de marche inclus.
« Ou va tu donc ? Me demande t-il.
Moi : Je rentre. Je te laisse faire ton deuil.
Nonalf : Que non. Nous y allons.
Moi : Ou ? Dans un lieu de perdition ou l'alcool se sert en tonneau ?
Nonalf : Non. Nous allons la voir. Et prends ça avec toi.
Moi : Que veux tu que je foute avec cette pioche ?
Nonalf : On s'arrête au jardin botanique en route. »

Il me pousse alors dehors et ferme la porte à clé.

samedi 7 avril 2012

maybe not...

L'autre soir, alors que j'étais dans mon grenier en train de revoir des photographies d'une soirée entre gens de bonne compagnie que j'aime (comprendre qui sont au dessus de la masse) je fus frappé d'une révélation douloureuse.
Alors que j'étais en train de réfléchir à une situation donnée, je me fis soudain le constat :
et si je ne valais pas mieux que ceux que je dénonce ?

Regarde toi. Tu dis qu'ils sont des moutons à suivre un berger, alors que tu en suis un autre.
Tu te demandes si ils sont capables de réfléchir par eux même, et tu te rends compte que c'est toi qui n'en est pas capable.
Alors à quoi ça sert de se battre si en fait tout n'est fait que pour sombrer ?

Je relève le défi.