Dimanche en France.
La tête qui bourdonne. Le sentiment de
dériver dès qu'on s'allonge.
Alors qu'on s'attendait à voir
débarquer faucilles et marteaux, ce sont les bottes et les impers
qui sont revenus.
Paul n'a pas bu ce soir. Mais il a
quand même envie de vomir.
Amis, familles... Ce soir on se demande
comment on va regarder en face ces gens là. Certes, ce n'est pas toi
qui a mit le bulletin pour Marine. Dans ce cas pourquoi est ce qu'on
se sent coupable ? Coupable d'être né dans un pays qui vote à 20%
pour l'extrême droite et à 25% pour la droite a peine moins
extrême. Ça fait mal physiquement de voir des amis se sentir
rejetés par le pays dans lequel ils ont décidés de vivre.
Paul se demande comment au bord de
l'extinction, la seule chose qui importe à son pays c'est de savoir
si il va se faire enfoncer la rondelle par la droite ou par la
gauche. Sauf que c'est la double pénétration qui l'attend.
Dimanche en Islande.
Lara allume sa cigarette puis vérifie
l'heure sur son téléphone.
Ses escarpins résonnent sur les pavés
des grandes rues de Reykjavik.
Avant, Lara travaillait comme
secrétaire dans une usine. Elle a perdu son travail au moment de la
délocalisation de l'usine pour un pays plus au sud. Mais elle s'est
dit que ça ne valait pas la peine d'apprendre le polonais pour être
payé seulement un dixième de ce qu'elle gagne à la capitale. Puis
elle a retrouvé un nouveau travail chez un éditeur. Après la
nationalisation des banques, l'économie est repartie et elle a eu
plus d'offres d'emplois en un mois qu'en un an. Comme beaucoup de ses
compatriotes, elle attend le procès de l'un de ces banquiers qui a
fait perdre leurs emplois a des centaines de milliers d'islandais.
Ce soir elle va rejoindre son petit
ami, Bardi. Ils se voient peu en ce moment. Bardi fait partie de
l'assemblée populaire qui a rédigé la nouvelle constitution.
Depuis que le gouvernement de Grimmson leur a proposé de reprendre
leur destin en main, le peuple a changé de gouvernement et de mode
de fonctionnement politique.
La tâche semblait impossible, mais ils
ont relevés le défi et ont aujourd'hui une ligne directrice claire.
Dimanche en France.
Ce soir, Paul pense à Lara et à ses
compatriotes islandais.
A chaque grande manifestation qui
accompagne chaque grande réforme, les médias français disent que
le peuple tricolore à « ça dans le sang ». Il paraît
que c'est depuis qu'ils ont décapités leurs rois, que leur sang
s'est mélangé a celui du peuple, qu'ils en veulent encore et ne
manque pas une occasion de le rappeler.
Ça fait sourire Paul. Les français
seraient capable de décapiter les nobles qui les ont oppressés mais
pas les banquiers ? Pourtant le roitelet qu'ils s'apprêtent à
décapiter virtuellement a bien aidé les banquiers et spéculateurs
de tous poils.
Il se dit que si Lara s'intéresse à
ce qui se passe en Europe, elle doit bien se foutre de la gueule des
français, ces moutons arrogants qui s'apprêtent à s'entredéchirer
lors d'une guerre civilo-religieuse.
Dimanche en Islande
Bardi dort mieux depuis quelques mois.
Il n'est pas nationaliste, mais il aime savoir que son pays va bien.
Ses amis ont tous retrouvé du travail. Lorsqu'il discute avec ses
collègues de l'assemblée populaire, ils se félicitent de la
reprise de la croissance et que leur pays ait pu rembourser une
partie de sa dette au FMI. Ce n'est qu'un tiers certes, mais si la
conjoncture continue, le pays sera sur les rails d'ici deux ans.
Malgré tout, lorsqu'il s'endort à
côté de Lara, Bardi a un frisson. Il pense à la Grêce, à
l'Espagne et à la France. Ces pays qui ont été longtemps des
modèles sont en train de devenir des enfers. Bardi aimerait bien
fonder une famille avec Lara. Mais même si il est plein d'espoir
concernant son propre pays, il ne peut pas s'empêcher de craindre
que la gangrène qui empoisonne ses voisins européens ne les
atteignent à l'avenir.
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