vendredi 20 décembre 2013

Automne et silence

Clap de fin.
L'automne est terminé.
Il ne reste rien.
L'année va s'en aller.

"C'est bien, mais c'est pas suffisant pour le prix Congourt." me dit Nonalf en jetant un œil par dessus mon épaule.
Nous sommes à la terrasse d'un café, au beau milieu d'une place animée dans cette grande ville de province.
Je griffonne nonchalamment des bêtises dans mon carnet pendant que mon compère routier se débat avec une carte Micheline.
Nonalf : Je savais que je ne devais plus acquérir de matériel chez cette grosse truie...
Moi : Laquelle ? d'habitude tu ne sollicites que des faveurs charnelles aux dames.
Nonalf : Micheline bien sur.
Moi : Te voilà bien pris. Je t'avais dis de faire confiance à des professionnels.
Nonalf :: Ho épargne moi tes leçons et aide moi. Je suis sur que nous sommes descendus trop bas, mais si on coupe...
Moi : Qu'est ce que changer de religion va nous apporter en cours de route ?
Nonalf : Pardon ?
Moi : Rien. Fais voir ta carte.

Il me la tend. Une fois attrapée, je me rends compte que la mission s'annonce plus difficile que prévue.
Je m'enquiers :"Tu te rends compte que c'est le moment ou tu me dis ou nous allons ?"
Nonalf : Oui. Nous allons dans la ville marquée d'une croix.
M : Ou ça ?
Nonalf : Ben de l'autre côté de la carte, mais faut que tu la retournes pour ça.

Je m'exécute. Je trouve sans peine la croix, puisqu'elle fait presque la moitié de la région ou nous nous rendons.

Moi : Heu, ôte moi d'un doute, c'est bien là ?
Nonalf :: Je t'ai dis la croix. T'en vois d'autre ?
Moi : Vu la taille je dirai qu'on cherche plus un trésor qu'une ville, mais je te le concède.
Nonalf : Bon, on y va ?
Mon camarade est anxieux. Ce qui ne présage rien de bon. C'est alors que je me rends compte.
Moi : En fait, nous allons en Bretonnie.
Nonalf : ...
Moi : En plein territoire indépendant.
Nonalf : ...
Moi : Qui voue une haine farouche à tout ce qui provient de la république française ?
Nonalf : ..
Moi : Et en ayant été parmi ses plus fidèles serviteurs durant la guerre d'indépendance du territoire, nous sommes automatiquement ses plus grands ennemis.
Nonalf : ...

Je me lève et laisse en plan carte, stylo et copain. Ce dernier me rattrape alors que je suis au comptoir en train de demander une triple vodka sèche.
Nonalf : Oui, nous allons risquer notre peau.
Moi : Pourquoi ?
Nonalf : Je te l'ai dis, nous allons voir ma promise.
Moi : J'ai signé pour t'aider à te vider les bourses, pas pour qu'on nous les remplisse de plomb.
Nonalf : Tout va bien se passer...
Moi :  Si tous les miliciens qu'on croise sont imbibés, peut-être. Peut-être pas remarque, ce serait surement pire.

Il sort. J'avale ma vodka et règle l'addition de ce petit déjeuner glacial.
Je sors à mon tour. Il est bien temps de se rendre compte que l'hiver est là. Il fait froid gras de canard.
Alors que je rejoins mon camarade à la voiture, je repense à l'année qui va bientôt s'achever. Nous avons beaucoup cheminé. Il y'a eu des pertes en cours de route, mais nous poursuivons le chemin qu'il nous reste à parcourir.
Jusqu'à quoi ? Mon compère le sait. Moi ? j'en doute.

Et pourtant, j'ouvre la portière.
Nonalf : J'irai seul ne t'en fais pas.
Moi : Et qui te tendra le cric pour changer la roue si tu crèves en chemin ?

Et nous voilà repartis.

samedi 7 décembre 2013

Enfoiré

J'ai été naïf.
Je pensais que ça suffirait.
J'ai eu peur.
Et maintenant ça y est.

Un soupir. C'est tout ce qui a manqué à Anna pour changer sa vie.
Moi, ce qui m'a manqué est un geste. Est ce qu'il aurait changé ma vie ?  Peut être pas. Le problème quand on a l'habitude de prendre du recul, c'est qu'on se rend compte facilement qu'on est une ordure.

Mon grand-père a toujours été à contre courant. Mi-anar, mi anti-clérical mais aussi anti-américain primaire et anti-Sarkoziste joueur. Il était normal qu'il ait sa place ici.
Tout au long de l'année, sa santé a déclinée. 31/12/2012. Le début de la fin. On pense trouver une hernie abdominale, et on finira avec des méta de cancer. Quelques jours après noël, c'est le cadeau empoisonné typique.

Durant cette année, j'avais l'habitude de lui acheter Siné mensuel chaque mois.
Il avait déjà l'intégrale de Siné hebdo dont il avait un abonnement.
Il ne lui manquait qu'un seul numéro du mensuel. Le 9. Il me le demandait régulièrement. Je n'ai jamais réussi à le trouver. Je ne sais pas si je cherchais mal, ou si je ne pouvais pas trouver.

Décembre 2013.
Mercredi : Je n'ai plus de boisson sans alcool au frigo. Je m'arrête à l'épicerie du carrefour en haut de chez moi. Alors que je m'apprête à régler, j'aperçois le Siné mensuel du mois de décembre sur les rayonnages des périodiques. Je l’attrape et le pose sur le comptoir. Je me dis qu'il faudra que je l'apporte à mon grand-père. Peut-être que je lui lirai l'édito si il est fatigué.

Jeudi : Je vais récupérer ma voiture au garage. Je passe en haut de la rue ou vit mon grand-père et ma grand mère, mais j'ai oublié de prendre le journal.
Je me dis que je le ferai...

Vendredi : Je veux passer déposer le journal au moins dans la boite aux lettres, mais je l'oublie encore lorsque je sors prendre l'apéro puis dîner.
Ce n'est pas grave, je le ferai...

Samedi : J'ai fais beaucoup de choses aujourd'hui. J'ai passé deux heures à essayer d'accéder à un espace ou je n'ai aucun code d'accès. J'ai hurlé sur une téléconseillère qui m'a appelé par le mauvais nom pour, au moins, la cinquantième fois en trois ans.
J'ai nettoyé mon appartement. Je suis sorti deux fois de chez moi. Deux fois j'ai oublié d'apporter le journal.
Je n'ai pensé qu'à nettoyer, faire les courses et être à l'heure.
Alors que la seule chose que j'avais à faire, c'était aller apporter un journal à mon grand-père. Et je ne l'ai pas fais.

Dimanche : Il est une heure du matin. Je n'ai plus besoin d'apporter le journal.
La vie est injuste, je le sais. On ne mérite pas les merdes qui nous arrivent, c'est vrai.
Et pourtant cette nuit je suis persuadé que j'ai tout fais pour mériter celles qui me sont tombés sur la gueule pendant ces deux putains de semaines de merde. Et je suis persuadé que c'est bien fait pour moi.

Il parait que j'ai des bons côtés cachés. Que j'ai plein de qualités professionnelles que certains aiment bien vanter.
Alors si vous avez une bonne opinion de moi, c'est votre droit, j'ai quelque chose à vous demander :

Arrêtez de dire que je suis parfait. Parceque je suis aussi un enfoiré qui ne fait pas ce qu'il doit faire.

lundi 2 décembre 2013

Les différents degrés du vide

Aujourd'hui, un ami est passé.
Il m'a dit : "Certaines personnes m'ont dit que depuis que je suis célibataire, ils ont l'impression que je suis redevenu moi-même. Que j'avais changé pendant que j'étais en couple."
Ce à quoi j'ai répondu du tac-au-tac : "Changer, c'est pour les faibles".
Nous avons ri. 
Puis je me suis rendu compte que ce que j'avais dit est peut-être la chose la plus stupide qui soit.
J'ai repensé plus tard à ceux qui ont changé en bien. Ceux qui sont devenus parents, qui ont obtenu un boulot plus stable, qui ont trouvé l'amour. 
Cela a été incontestablement bénéfique. Et moi qui n'ai rien foutu de ma vie, qui suis-je pour penser qu'ils n'ont pas assez de force de caractère pour arriver à leurs fins ?
Depuis quand n'ai je pas fais fais preuve de force de caractère moi-même ? 
Apres quelques heures de réflexion, je me rends compte que je n'ai pas dis ça par rapport à la force de caractère, mais plutôt par rapport à la facilité qu'ont certaines personnes à préférer certains modes de vie.
Mais je me suis fais une raison, si ils veulent regarder TF1, qu'ils le regardent, je le leur laisse bien volontiers. Je suis moi même bien prétentieux comme vous pouvez le constater.  
Mais aller contre le changement, contre la facilité, contre la "culture" n'est-il pas un trouble personnel de l'évolution ? Ou une grosse connerie de hipster prétentieux ?

Mon ami a fini cette conversation par : "Mais toi c'est cool, tu changes pas".
Franchement ? j'en suis content. J'aime cette idée d'être une chose immuable. Qui ne bouge pas, qui ne vieillit pas. Qui peut rester un point de repère pour ceux qui en ont besoin. Une sorte de phare dont on aperçoit furtivement une lumière en de rares occasions.
Rester une balise, un signal pour ceux ont besoin de savoir ou aller.

C'est encore une prétention, mais doublée d'une fierté. Si moi je me laisse aller, qui soutiendra les autres ?

Mais cette posture implique aussi de ne pas bouger. Et je m'en rends compte jour après jour. 
Je ne sais pas ou je dois aller. Je fais du sur-place. Et même si le phare est immobile, il subit quand même les assauts du temps et des éléments. Et un jour, il s'effondre, et il n'en reste que des ruines.
Alors au final, quand je m’effondrerai, on dira peut-être que le plus faible c'était moi.

samedi 30 novembre 2013

Qu'aurais-tu fait ?

Blonde. Cheveux courts. La première à t'avoir montré de l'intérêt. Tu te souviens qu'elle ne voulait plus attendre. Tu ne savais pas si tu pouvais.
Qu'aurais-tu fait ?

Rousse. Cheveux mi-longs. Peu de rencontres et pourtant quelqu'un avec qui tout le monde se sent à l'aise. Une "love-hate relationship" comme disent les américains. Et si elle t'avait dit qu'elle attendait plus de toi ? Qu'aurais-tu fait ?

Brune. Cheveux longs. Elle t'a dit qu'elle voulait beaucoup de choses. Tu l'as cru, et aujourd'hui tu ne sais pas si elle disait vrai ou si elle mentait.
Qu'aurais-tu fait ?

Aujourd'hui, tu es âgé. Moins que la moyenne, mais suffisamment pour le savoir. Et si on te disait là, maintenant, tout de suite, que tu as gâché ta jeunesse, tes années, ton célibat, ta liberté, tes possibilités ?

Que ferais-tu ?

jeudi 28 mars 2013

Anticipation


"- Hey Paul !
- Frank, qu'est ce qui se passe ? Pourquoi tous ces gens courent partout ?
- Ce soir c'est le discours de la présidente.
- Ho, oui, je vois...
- Tu veux  venir le regarder chez nous ? Samia n'arrête pas de me dire qu'il faut que tu viennes manger à l'appartement.
- Non merci c'est gentil. Je vais attendre Audrey à la sortie de la messe.
- Ha daccord, passe lui le bonjour de ma part."

J'aime bien Frank et Samia. Malgré le torrent de merdes que ces deux se sont pris en pleine gueule, ils restent toujours positifs.
Alors que je me rends vers l'église où ma petite amie assiste à l'office du soir, je ne peux pas m’empêcher de repenser aux changements de ces derniers mois.
Nous sommes déjà en 2018. Cela fait déjà 9 mois que Madame M est au pouvoir.
Cela fait 9 mois que la France est plongé en pleine torpeur.
Je me souviens que le soir des résultats des dernières élections présidentielles, il n'y a eu que le silence.
J'avais laissé la fenêtre de mon appartement ouverte, et j'ai été frappé par le calme qui régnait dehors.
La baffe prise lors des résultats à été sonore, mais c'est le silence dans la rue qui y a fait écho.
Cette fois c'était fait. Le Front était au pouvoir.
15 ans avant, le Front était déjà arrivé au deuxième tour d'une élection présidentielle. Il y'avait eu plusieurs manifestations entre les deux tours, toutes appelant à faire barrage au Front, et au final le président sortant avait été réélu.
Par contre l'an dernier... rien. Le front et le Mouvement était tous les deux au deuxième tour. Il n'y a pas eu de manifestations entre les deux tours. Pas d'appel à barrage, pas de consignes de vote. Au premier tour le Front était déjà bien avancé.
Audrey m'avait dit : "Tu verras, entre la hargne et la haine, les gens choisiront toujours la hargne, car elle ne dure jamais. Le Mouvement passera et tout le monde oubliera vite ce vilain résultat."
Les voix avaient commencé à diminuer, et le soir du deuxième tour, plus personne ne parlait.

Très vite, les conséquences sont arrivées. Bon nombre de lois ont été prises ou détricotés. "Liberté, Egalité, Fraternité" s'est transformé en "Travail, Famille, Patrie."
Sauf que le Travail n'est jamais arrivé. Comme il n'y en avait plus depuis 30 ans, les gens n'ont pas manifesté parcequ'ils ont du se dure que ce n'était surement plus la peine.
La Famille ? La loi autorisant le mariage homosexuel, qui avait été instauré sous l'ère du président précédent, avait été promptement dissoute. C'est en partie à cause de ça que Franck s'est fait plaquer par son compagnon. "On ne nous laisse plus la liberté de vivre ensemble ? Alors je me casse".
La patrie ? La famille de Samia, originaire du Maroc, ne pouvait plus venir librement dans la "patrie" que leur fille avait choisie.
Heureusement, Franck et son amie Samia se sont serrés les coudes, et depuis quelques mois ils s'entraident en attendant que la roue tourne.

Je m’assois contre le mur en pierre de l'église. Je ne fume pas, mais je me serai bien roulé une cigarette, histoire d'évacuer.
Je me demande comment on en est arrivé là.
Je me souviens de 2013. A peu près à la même période, le président était au plus bas dans les sondages, et après seulement quelques mois, on lui reprochait qu'il pleuve dehors.
C'était au moment des manifestions contre le mariage pour tous. Des gens voulaient empêcher une loi allant à l'encontre de l'égalité. Avec soi disant des millions de personnes dans la rue.
Vu que c'était déjà joué d'avance, ces "millions" auraient mieux fait de manifester contre les banksters, ça aurait peut être été plus productif...
Tout le monde ne parlait que de ça, mais je me souviens que le weekend pendant l'une de ces manifestations, il y'a eu une élection législative anticipée, ou une candidate du Front était arrivée au deuxième tour. Seulement quelques mois avant, le front avait battu son record de députés à l'Assemblée Nationale.
Et personne n'a manifesté contre ça.
Je me souviens avoir pensé que c'était dingue, que normalement on manifeste pour plus d'égalité, pas pour empêcher les gens d'en avoir.
Bon, je reconnais que j'étais encore naïf à l'époque.
Puis il y'a eu 2014. Des municipales. Et là c'est plus d'une dizaine de milliers de maires du Front qui sont sortis des urnes.
Toujours pas de manifestations...

J'imagine qu'au final nous avons eu ce que nous avons voulu. La haine. La méfiance. La morosité. Notre vigilance a décrue et avant que nous ne nous en rendions compte, nous n'en avions plus.

A peine les cloches de l'église ont-elles retenties, que les premiers fidèles sortent. Ils rentrent chez eux précipitamment, sûrement en espérant que dans son discours la présidente n'annoncera pas de nouvelles lois liberticides.
Audrey sort parmi les derniers. Elle porte sa longue robe blanche et un châle de même couleur pour se mettre à l'abri de la brise fraiche du soir.
Je lui tends mon bras, elle le prend, puis dépose un baiser sur ma joue.

"- Tout s'est bien passé ? Qu'a raconté le père Steve aujourd'hui ?
- Pas grand chose comme d'habitude. Il nous a surtout invité à prier.
- Je vois. Et donc tu as prié pour que les prochaines présidentielle arrivent plus vite ?
- Non. J'ai prié pour nous."

jeudi 7 février 2013

Far away from childhood

Elle : Il ne me reste qu'une chambre messieurs...
Nonalf : Donnez.
Elle : Je préfère vous prévenir, c'est une chambre pour...
Nonalf : Chère mademoiselle, nous sommes deux compagnons d'aventure en pleine expédition qui cherchons juste un endroit propice à un repos bien mérité. Votre établissement à l'air propre, agréable, enchanteur, et de toute façon nous sommes trop fatigués pour le souiller lors d'une orgie romaine ou mon compagnon arrachera votre toge avec les dents avant de manger du raisin entre vos seins que je devine superbe sous cette petite chemise blanche !"

La réceptionniste nous tend la clé.

Je l'attrape pendant que Nonalf regarde toujours la jeune femme dans les yeux.
Lesté de la clé et de ma valise, je m'engouffre dans l’ascenseur. Je préfère laisser mon compère à la réception, ce qui me donne quelques minutes d'avance pour utiliser les toilettes de la chambre avant qu'il ne les transforme en zone interdite.

A peine sors-je de l'ascenseur, que Nonalf est déjà devant la porte.
Nonalf : Tu t'es arrêté fumer un clope en chemin ?
Moi : Non. Comment es tu arrivé aussi vite ici ?
Nonalf : Je sais que je ne fais plus autant d'exercice que du temps de l'armée, mais je suis encore svelte.
Moi : Ce n'est pas ce que dit ta balance électronique parlante.
Nonalf : Ma balance ne parle pas quand je monte dessus.
Moi : C'est vrai. Elle hurle.

J'ouvre la porte.

Nonalf : Franchement, depuis que tu n'es plus soldat, tu ne t'es pas beaucoup entretenu.
Moi : ...
Nonalf : Certes tu manies encore bien la pelle, mais je pense que le nombre de coups mortels que tu peux asséner avec doit être similaire à ton nombre de partenaires sexuels depuis les deux dernières années.
Moi : ...
Nonalf : C'est à dire zéro.
Moi : ...
Nonalf : Bon daccord si on compte la nana que tu as défloré avant son mariage y'a trois jours ça fait un, mais ça reste quand même minable.
Moi : ...
Nonalf : Tu m'écoutes ou tu te demandes comment tu vas saccager cette chambre pour te venger ?
Moi : ...
Nonalf : Reprends toi on dirait que tu contemples une partouze remplie...
Moi : Enfants...
Nonalf : HOULA HOULA SALE PERVERS ME MÊLE PAS A ÇA !
Moi : C'est une chambre pour enfants.

Nonalf passe alors la tête par la porte et découvre le même spectacle que moi.

Au mur, du papier peint bleu à bandes roses.
Tout le long de la pièce, une frise. On y voit une petite voiture jaune conduite par un clown faire le tour de la chambre dans un grand manège qui disparaît pour l'éternité à la porte de la salle de bains.
Le lit est recouvert d'un drap rose. Les housses d'oreiller tentent d'imiter la dentelle de nos grands-mères.
Dans un coin près de la fenêtre, assis sur la petite chaise bleue d'une dînette, un Mickey Mouse en peluche m'observe. Au dessus du lit, trois chatons posterisés surveillent la pièce.

Nonalf : J'espère que les chiottes sont à taille adulte...

Je m'assois sur le lit pendant que Nonalf va s'enfermer dans la salle de bains.
Je me sens perdu.
Quand j'étais petit j'avais aussi une frise dans ma chambre. Un petit bonhomme blanc dans un bateau je crois. A l'adolescence, ma chambre a été refaite. Je me souviens avoir souillé les murs au marqueur en marquant des âneries sans aucun sens avant qu'un ouvrier du bâtiment vienne tout arracher.
Le petit bonhomme n'est jamais tombé de sa barque, mais il est quand même mort noyé dans une mer d'encre indélébile noir. Au lieu d'en découper un morceau comme souvenir, je me suis empressé de le taguer. J'ai même du penser "ouais ! je suis vraiment grand maintenant".
Petit con.

Je m'étends sur le lit. Ma tête tombe sur un des oreillers. Je me revois allongé sur le lit de ma grand mère.
Face au lit, il y'avait une télé noire et blanc sur la commode. Une petite, que mon père avait sorti de la cave pour que ma grand mère puisse regarder quelque chose le soir. Au fond du lit, il y'avait une bouillote en porcelaine.
Le jour ou on a vidé la maison, la seule que j'ai emporté de moi même c'est une boite d'allumettes avec une fille à poil dessus.
Petit con.

Je me relève. La peluche Mickey me regarde toujours. Dans la chambre de mon père, il y'avait de vieilles bandes dessinées. Avec des héros comme Mickey. Je savais lire, mais je regardais les images parceque lire me faisait chier.
Lorsque l'on m'a demandé si je voulais garder quelque chose en livr eou en bande dessiné, je n'ai pas eu une seule pensée pour un recueil d'histoires de l'oncle picsou dont j'avais déchiré une page quand j'étais à la maternelle. Par contre je voulais bien quelques tomes de San Antonio.
Petit con.

Lorsque j'aurai pu garder quelque chose qui avait vraiment de la valeur pour moi, je me suis empressé de l'oublier au profit d'objets ou d'activités pas de mon âge. Déjà à 14 ans, je voulais pas faire comme tout le monde.
Petit con.

Nonalf : Bon ma grosse, les chiottes c'est bon, elles ont passé le test du cul de l'enfer, par contre ce serait bien que tu descendes demander du papier. Enfin quand t'auras arrêté de chialer bien sur. Mais pourquoi tu chiales ?
Moi : Parceque je suis un grand con.

lundi 4 février 2013

5H 44M 12 S

La conversation s’arrête lorsque mon frère, un ami, et moi, nous rendons compte de l'heure.
J'éteins l'ordinateur. Il est temps de rentrer chez moi.
Je ne sais pas chez qui je suis, mais ce n'est pas mon appartement.
Je sors de la pièce. Depuis le couloir, je vois la rue à travers la baie vitrée du salon. Il fait nuit noire dehors.
Je reconnais les panneaux bleus de l'immeuble en face.
Une fenêtre est allumée. Celle d'une cuisine ou une jeune femme blonde, les cheveux courts, en T-shirt noir et culotte noire essuie une poêle.
Je me cache a moitié derrière la porte pour l'observer.
Mon plaisir voyeuriste est de courte durée. Un homme rentre dans la cuisine. Il porte un T-shirt blanc et un caleçon bleu. Il lui dit quelque chose, mais je ne l'entends pas. Elle pose sa poêle puis sort en éteignant la lumière.
Je soupire. Adieu beauté nocturne. Je vais éteindre les dernières lumière derrière moi avant de prendre mes affaires.
Lorsque je reviens dans le salon, une nouvelle fenêtre en face est allumée, celle de leur chambre. l'homme au T-shirt blanc est allongée sur un lit. La jeune femme se trouve entre ses jambes. Sa tête fait un mouvement de va et vient qui ne laisse aucun doute sur ce qu'elle est en train de faire.
L'homme gémit de plaisir.
Je me réveille.
Mes yeux sont clos. Mon coeur bat à tout rompre dans ma poitrine.
Le gémissement venait-il de moi ? Non, mon lit est vide.
Le gémissement venait-il de l'appartement a côté ? Je ne sais pas.
J'essaye de respirer pour me calmer.
Impossible.
Je coupe ma respiration pour écouter.
Inutile.
Soudain, je comprends.
C'est mon coeur qui fait trop de bruit. Il soupire, gémit, crie, hurle, éructe de rage.
Il me maudit.
Il veut que je le libère. Que je le laisse aimer.
Il veut battre comme si il envoyait chaque goutte de sang de mon corps vers ma queue.

Pourquoi ne me laisses tu pas aimer passionnément ?
Pourquoi essayes-tu de me soumettre au risque que je ne te tue ?
Je suis là.
J'attends.
Un jour tu craqueras.
Et je serai libre.