samedi 14 novembre 2015

Entre le calin et le hurlement

Depuis plusieurs jours je suis censé répondre à un message que l'on m'a envoyé.
Je ne l'ai toujours pas fais.
Non pas par paresse, mais parce que je ne sais pas quoi répondre.
Et lorsque je pense n'avoir rien d'intelligent à dire, j'essaye de fermer ma gueule.

Mais ça ne marche pas toujours et je finis par dire une connerie. Parce que le silence me gêne de plus en plus. Parce qu'il signifie que nous n'avons rien à nous dire.
Mais je n'ai rien d'intelligent à dire. Alors je me tais.
Et je me demande ce que je fous là.

C'est le sentiment que j'ai depuis deux jours. Qu'est ce que je fous là ?
En janvier je savais. Un pan de ma culture avait été abattu. Au bout de 7 jours, je maudissais déjà 2015.
En ce vendredi 13 de novembre, je me suis dis que je n'avais pas de place nul part.
Dans la ronde des sentiments du deuil, quel est le mien ?
Ai-je été choqué ? même pas.
Ai-je été en colère ? à peine
Ai-je essayé de marchander ? j'y ai pensé.
Suis-je dépressif ? il faudra poser la question à un psy.
Ai-je tout accepté en quelques heures ? Oui.

Une fois que j'ai su que les amis et connaissances étaient hors de danger, j'ai tout accepté.

Lorsque l'on me demande si je veux des enfants plus tard, je réponds que je n'ai pas encore la fibre paternelle. Parfois, je rajoute que je ne suis pas sur de vouloir que des êtres humains soient balancés par ma faute dans ce monde pourri.
Je le sais qu'il est pourri. Et c'est ça que j'ai accepté.
Quand mon grand-père était en fin de vie, je pensais que j'avais statistiquement plus de chances de mourir avant lui parceque je faisais presque deux heures de route par jour.
Peut-être que demain je ferai un avc. Ou que dans deux ans on me trouvera un cancer.
Et je me dis "quelle importance ?" j'aurai pu être à un concert ce vendredi 13 et ne pas pouvoir écrire ce message.

Moi j'ai accepté, je suis foutu. Puis j'ai pensé à mon filleul et aux (hypothétiques) enfants à naître des amis.
Lorsque qu'on m'a proposé d'être parrain d'un enfant, on a invoqué ma vision de la vie.
Aujourd'hui cette vision est lucide et désabusée.
J'ai peur du monde dans lequel les enfants arrivent. J'ai l'impression d'être démago en disant ça.
Et pourtant c'est ce que je pense. Et ça me terrifie.

Peut être que ça aurait été différent si j'avais trouvé quelqu'un à la maison en rentrant. Peut être que je l'aurai prise dans mes bras, puis qu'on serait allé se coucher en se disant que ça irait mieux demain.

Peut être que ça aurait été différent si je n'avais pas trouvé quelqu'un à la maison en rentrant, alors qu'il y'aurait du y avoir quelqu'un. Peut-être que comme beaucoup de familles ce samedi j'aurai hurlé de rage et de désespoir.

Cette nuit j'ai regardé par la fenêtre. J'ai repensé à 1986, la dernière vague d'attentats en France alors que je n'avais qu'un an. Toute cette histoire découverte bien plus tard et qui revient comme un fantôme.
Puis j'ai aussi vu quelques petites lueurs sur des balcons et des appuis de fenêtre. Et sur des fils d'informations, j'apprends que des stocks de sang sont surchargés.

Force est de constater que l'espoir, comme la guerre, ne mourront jamais. Mais ce soir, plus rien ne me rassure, et plus rien ne m'effraie.