jeudi 18 septembre 2014

Reconversion (en un mot)

Alors, que je somnolais à l'arrière de la Cadillac, serrant fort les paupières pour que ce connard de soleil du matin ne dissolve pas les dernières bribes de mon court sommeil de la nuit, je fus tiré de ma torpeur par un bruit sourd et régulier.
Je relève la tête et regarde par la vitre en direction de l'importun son.
J'aperçois alors Nonalf, mon camarade conducteur-buveur, en train de clouer avec énergie et détermination une planche en bois sur des tréteaux de la même matière.
J'émerge de la voiture et me rapproche de la structure en construction.

Moi : Que fais-tu ?
Nonalf : Bonjour aussi. Je fabrique une table comme tu le vois.
Moi : Je l'ai surtout entendu.
Nonalf : Je t'ai toujours dis qu'il te fallait plus d'alcool pour alourdir ton sommeil.
Moi : Et c'est pour quoi faire ?
Nonalf : Pour poser nos articles.
Moi : Quels articles ?
Nonalf : Ceux de notre boutique éphémère bien sur !
Moi : Tu as décidé de vendre un rein et un poumon pour acheter une bague de fiançailles à ta fiancée imaginaire ? (NDA : vous pouvez relire le premier épisode ici)
Nonalf : Je vois que le sens de l'humour de monsieur n'est pas très développé le matin.

A cette évocation, mon compère reprend son travail de cloutage avec concentration.
Je retourne m'asseoir sur le capot de notre bolide, sort un cigare de la poche de ma veste et entreprend de le préparer pour dégustation matinale avant le pti-déj'.

J'hurle au chef de chantier : "Pourquoi ouvrons nous boutique ?
Nonalf : Parceque nous allons avoir besoin de liquidités pour la suite de notre périple.
Moi : Et en vendant quoi ?
Nonalf : Des glaces.
Moi : Tu as repéré un club de narcissiques ?
Nonalf : ... Des desserts froids à la crème.
Il soupire. J'inspire.
Je ferme les yeux pour apprécier l’arôme de mon tube de tabac et mon complice est déjà devant moi, me tendant une feuille de papier froissée.
Moi : Qu'est ce ?
Nonalf : La carte de nos spécialités laitières froides

Je lis la première ligne. Je me gratte la tête.
Puis je demande ; "Allons nous vendre des glaces à des gens ayant des problèmes de déficiences mentales ?"
Mon compère secoue la tête affirmativement, et je continue à lire ses "idées marketing"

Paranoïaque : Mais oui ça a bon gout. Oui. Faites moi confiance. Oui vraiment !
Anorexique : Vous êtes sur de vouloir de la glace ?
Boulimique : Vous êtes sur de vouloir encore de la glace ?
Schizophréne : C'est dans un gros pot que pour les groupes monsieur.... Ha vous êtes quatre ?
Insomniaque : Oui bon d'accord j'avoue c'est juste une glace au café...
Suicidaire : Oui, je sais, ça a le gout des médicaments, l'odeur du gaz et la gueule d'un poison.
Syndrome de Tourette : Non la maison ne fait pas crédit connard.
Amnésique : Oui c'est la première fois que vous en prenez. Et ça fera encore deux euros.
Delirium tremens : Vous ferez attentions au gros éléphant rose derrière vous.
Agoraphobe : C'est cadeau, c'est pour vous féliciter d'être venu jusqu'ici.
Cleptomane : Qui est le con qui a laissé des traces de doigts dans les bacs de glace ?
Pyromane : Oui la glace a déjà fondue. Non il n'y a pas de problèmes avec la sorbetière.
Alzheimer : Non je ne sais pas ce qu'il y'a dans la recette, arrêtez de me demander !
Auto-mutilation : Non, je ne peux pas faire de demies boules...
Bipolaire : Vous la prenez OUI ou NON ?
Antisocial : Vous savez qu'on livre aussi à domicile ?
Psychopathe : ... Vous voulez que je rajoute QUOI ?
Nymphomane : Vous voulez que je rajoute combien de paires de boules en plus ?

Nonalf : Alors qu'en penses tu ?
Moi : Je prendrai bien une Tourette...

Après deux heures d’engueulades, nous n'avons vendu que la table.