mardi 14 février 2012

Lettre ouverte à D.


L'autre soir, je t'ai vu en train de pleurer.
Ça nous arrive à tous tu sais.
Moi ? Je n'ai pas pleuré depuis la pub pour le nesquik premier âge. 
Ce putain de lapin qui fait coucou à un bébé. Coucou je suis ton ami. Coucou je serai toujours là alors que je ne suis qu'un lapin dessiné sur la boite d'un produit dont les créateurs espèrent que ta mère achètera tous leurs trucs pour le restant de ses jours et des tiens.
J'ai haï ce lapin. Parcequ'il sera toujours sur sa putain de boite lorsque toi et moi on sera mort.
Je pense qu'on doit autant haïr ce lapin.

C'est ce que je voulais te dire l'autre soir.
Non pas à propos du lapin. T'auras qu'a venir manger à la maison et on l'exorcisera en se faisant un civet. Avec des pommes de terre au four.

Si j'avais pu, je t'aurai pris la tête dans mes mains et je t'aurai regardé au fond des yeux.
Et je t'aurais dit tout ça :

Regarde toi.

T'es un des mecs les plus intelligents que je connaisse.
Et c'est dur d'être intelligent dans un monde qui ne veut pas de l'intelligence.
Moi ? Je ne suis pas intelligent.
Je pense. Mais ça ne fait pas de moi quelqu'un d'intelligent.
Je pense à toi parfois. Mais ne t'emballe pas, je ne suis pas un garçon facile.
Je pense à toi, mais comme je pense à elle. Ou à elles. Ou à eux. Ou au monde.
Le monde hein...
S'en sentir extérieur. Dieu sait qu'on a donné l'illusion d'en faire partie. Et qu'on continue parfois.
Avoir un travail. Des relations sociales. Côtoyer des gens.
Les gens.
La masse.
Ceux qui ne veulent pas de nous.
Ceux qui disent que nous ne sommes rien.
Que nous sommes des parasites.
Des anormaux.
Que nous n'avons aucune place.
Que nous n'avons pas les mêmes droits qu'eux.

Tu vois de quoi je parle ?
Nous avons le droit d'être leur idiot du village, donc pas le droit d'être respecté.
Nous avons le droit d'être leur poivrot du bar, donc pas le droit d'être visible.
Nous avons le droit de rester seul, donc pas celui de partager notre vie avec quelqu'un.
Nous avons le droit d'être humilié, donc pas celui d'être écouté.

Ils pensent que ça nous tue. Ils pensent qu'ils se débarrasseront de nous comme ça.
Mais ils se trompent.

Ils sont engoncés dans leur confort. Dans leur relations sociales. Dans leurs familles. Dans leurs couples. Dans leurs métiers. Ils croient que ça les protège. De la solitude. De la tristesse. Du désespoir. Ils ne savent pas ce que nous savons.

Qu'on est en réalité plus fort qu'eux.
Alors tu vas me dire « Arrête tes conneries, si on le sait tous les deux, pourquoi est ce que nous ne le supportons pas mieux après tout ce temps ? »

Parce que le malheur est toujours différent. On ne perd jamais deux fois le même boulot. Jamais deux fois le même membre de sa famille. Jamais deux fois la même fille.
Bon ok, le dernier cas de figure peut arriver, mais bref passons.

Tu veux que j'abrège ? Ça commence à faire long je sais.
T'en fera ce que tu voudras. Tu auras le droit de me dire merci comme de te taire. Tu auras le droit de me prendre dans tes bras comme de me haïr. Tu commences, peut être, à me connaître, je ne suis pas donneur de leçons. Même quand le pouvoir a été contre nous.

Voilà mon message pour toi. Et pour les deux-trois masos qui nous lirons un soir d'hiver.
« On n'est pas plus fort parcequ'on est malheureux.
On est plus fort parcequ'on survit au malheur. »

Regarde autour de toi. Regarde tes amis. Ceux qui t'aiment. Qui te font confiance. Malgré le passé et quoi qu'il advienne dans le futur.
Ils sont comme nous au final. Ils sont toujours vivant.
Et aujourd'hui ils ont des familles, des maris ou des épouses voir des enfants.
Est ce qu'on aura la même chose un jour ?
Mec, y'a qu'un moyen de connaître la réponse. C'est de continuer à survivre.
Sans avoir peur.
Il ne faut pas avoir peur du vide.
Il ne faut pas avoir peur de l'altitude.
On est pas meilleur parcequ'on est au plus bas.
Mais être au plus haut ne nous rendra pas pire.

Voilà.
Je crois que c'est tout ce que j'avais à te dire.
Bon jusqu'à la prochaine crise et ou je redirai à peu près la même chose, mais en changeant l'ordre des mots.
Mais je crois que je peux te lâcher la tête. Ça commence a devenir trop bizarre cette posture.
D'ici là prends soin de toi. Enfin pas trop quand même, j'ai pas envie que tu t'ennuies.

Amitiés,

Ta pastèque.

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